Les relations maroco-mauritaniennes sont entrées dans une nouvelle phase prometteuse. Preuve, le Forum parlementaire économique mauritano-marocain, qui s’est tenu à Nouakchott, les 9 et 10 mai. Côté marocain, une délégation étoffée, conduite par le président de la Première Chambre Rachid Talbi Alami et composée notamment des ministres de l’Agriculture, son collègue du Commerce extérieur et une brochette d’opérateurs économiques a été accueillie par sa consoeur mauritanienne. Au menu : partenariat économique, renforcement des échanges commerciaux, transfert d’expertise et de savoir-faire dans des domaines aussi vitaux et stratégiques que l’agriculture, la pêche, la formation professionnelle, l’Énergie et les infrastructures. La partie mauritanienne a affiché cette fois une volonté sérieuse d’inscrire sa relation avec son voisin marocain dans un partenariat win-win qui profiterait aussi aux pays du Sahel. Le déclic aura été sans doute l’affranchissement de Nouakchott de la tutelle algérienne, un obstacle qui a empêché historiquement les dirigeants mauritaniens de jouer franc jeu avec le Maroc. Pour préserver leur pouvoir et éviter d’être la cible des entreprises de déstabilisation de leur pays, les dirigeants mauritaniens ont veillé à trouver un point d’équilibre dans ce jeu d’influence et de «guerre froide» que livre au Maroc depuis 1975 l’ennemi algérien par imposture polisarienne interposée. La fin de cette ambivalence a été actée à l’occasion de la visite en décembre 2024 du président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani au Maroc au cours de laquelle il a eu des entretiens avec SM le Roi Mohammed V au palais royal de Casablanca.
en décembre 2024 au Palais Royal de Casablanca.
La rencontre entre les deux chefs d’État «s’inscrit dans le cadre des relations solides de confiance et de coopération liant les deux pays et des liens de fraternité sincère unissant les deux peuples frères », avait indiqué à l’issue de cette audience le cabinet royal dans un communiqué qui fait état de la teneur de l’entrevue : Le Roi Mohammed VI et M. Ould Cheikh El Ghazouani « ont aussi affirmé leur détermination à développer des projets stratégiques pour la liaison entre les deux pays voisins, et à coordonner leurs contributions dans le cadre des Initiatives royales en Afrique, particulièrement le gazoduc Africain-Atlantique et l’Initiative visant à favoriser l’accès des États du Sahel à l’Océan Atlantique». L’Initiative atlantique! Le projet visionnaire, lancé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, visant à connecter les pays du Sahel au littoral atlantique, en stimulant la coopération régionale, le développement économique et en préservant la stabilité des pays partenaires. Hostile à ce projet salué par de nombreux dirigeants du monde, l’Algérie
avait pesé de toute sa capacité de nuisance pour empêcher la Mauritanie de rejoindre cette alliance dont le pays au million de poètes est une pièce maîtresse de par sa position géographique stratégique sur la façade atlantique. Sans la Mauritanie, l’alliance perdrait en effet de sa pertinence géopolitique et de sa viabilité économique, rendant pratiquement impossible l’accès des autres pays du Sahel ( Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) aux infrastructures portuaires et de logistique maritime nécessaires au développement des échanges commerciaux.
Rabat et Nouakchott sont désormais sur la même longue d’onde, ce qui transparaît clairement dans le communiqué commun final rendu public à l’issue du Forum : «Les deux parties expriment leur confiance dans le potentiel qu’elles possèdent pour devenir un centre de production et de commerce, grâce à leur profondeur africaine, leur voisinage européen et leur ouverture sur l’Atlantique vers les Amériques. Elles soulignent ainsi leur assurance quant à la possibilité de transformer la région atlantique en un espace de prospérité partagée.»
Le ton a changé. Les temps aussi. Les vents de la géopolitique ont tourné. De nouvelles alliances se nouent dans le monde et la Mauritanie-elle-même est un Eldorado gazier en devenir après la découverte d’importants champs gaziers : le gisement gazier GTA, situé à la frontière maritime entre la Mauritanie et le Sénégal et dont l’exploitation a déjà commencé et le son champ gazier propre, « BirAllah », dont les réserves sont estimées à environ 1400 milliards de mètres cubes et dont la mise en service est prévue en 2027 ou 2028. Des perspectives prometteuses se dessinent pour la Mauritanie. Plus pragmatique, tournée vers l’avenir et rassurée par la force tranquille du Royaume et ses alliances sûres au-delà de la sphère africaine, la Mauritanie nouvelle, qui s’est libérée de la tutelle étouffante d’une Algérie stérile et diplomatiquement isolée, est arrivée. Royale émancipation.
