Moulay Hafid démasqué au tribunal

Moulay Hafid Elalamy a fait peu de cas de la loi…

Le fameux et néanmoins fumeux arrêté que Moulay Hafid a émis en toute illégalité, au plus fort de la première vague du coronavirus en mars 2020, est devant la justice.

Comme son auteur a quitté la politique et le gouvernement pour reprendre son bâton de businessman, c’est le ministère de  la Santé et l’administration des douanes qui ont hérité de la patate chaude.  En cause, un marché portant sur des masques chirurgicaux se chiffrant à quelque 120 millions de DH (voir Le Canard du 2 juillet 2020). Une fortune. La victime, un opérateur du secteur biomédical du nom de Somepharm. Ayant décroché cet appel d’offres, cet opérateur s’est retourné contre le département dirigé par Khalid Aït Taleb pour avoir résilié sans motif valable le marché en question.

Au mépris de la loi

Pour sa part, la douane est poursuivie pour une infraction de voie de fait en raison du blocage par ses services de la cargaison de 20 millions de masques, objet du conflit, qui, frappée d’impossibilité de dédouanement à cause de la décision de Moulahom, pourrit toujours dans les entrepôts de l’aéroport Mohammed V à Casablanca.  

L’ex-ministre du Commerce et de l’Industrie, qui sévissait dans le gouvernement Al Othmani, avait curieusement adopté un arrêté ministériel n°1345-20 en date du 21 mai, soumettant l’importation des masques au régime de licence d’importation. Louable initiative qui peut traduire, de prime abord, le souci de son auteur de privilégier le made in Morocco. Sauf que ce texte est tout ce qu’il y a d’illégal puisque sa promulgation (publication au Bulletin Officiel du 4 juin 2020) est intervenue alors que la passation de ce marché d’importation des masques, qui a connu en plus un début d’exécution, a eu lieu le 7 mars 2020 ! Soit deux semaines avant l’instauration le 23 mars de l’état d’urgence sanitaire.

Mais Moulahom Hafid s’est quand même permis, au mépris de la loi, d’appliquer la rétroactivité sur une transaction antérieure à son arrêté. Or, c’est connu, puisqu’il s’agit d’un principe universel, une loi, quelle qu’elle soit, ne dispose que pour l’avenir ; elle ne peut régir que les situations juridiques postérieures à son entrée en vigueur. Le plaignant, qui considère qu’il n’est pas concerné par cet arrêté ministériel unique et inique en son genre, a obtenu le 24 décembre gain de cause en première instance auprès du tribunal administratif de Casablanca. Jugement confirmé par la Cour d’appel de Rabat le 3 août 2021. Contestant leur condamnation, les deux institutions publiques se sont pourvues en cassation.  

En guise de ligne de défense, le ministère de la Santé a invoqué un retard dans la livraison des masques justifié par l’adjudicataire du marché rompu par « la force majeure» due aux perturbations monstres qu’avait connues à l’époque le transport aérien et maritime mondial du fait de la pandémie. Ce qui n’a pas empêché le ministère de la Santé d’accepter de réceptionner une partie de la marchandise malgré la résiliation du marché. Souvenez-vous, c’est qu’à l’époque, les masques étaient une denrée rare. Résultat : le marché des masques de protection FFP2 3 plis, importées par le fournisseur marocain, avait connu une tension telle que les cargaisons de ce qui s’apparentait à l’or blanc, étaient détournées vers d’autres destinations sur le tarmac des aéroports chinois. C’est dans ce contexte, très tendu, que le ministère de la Santé avait lancé cet appel d’offres pour s’approvisionner en masques destinés aux soignants qui en avaient un besoin urgent vu qu’ils étaient  en première ligne dans la lutte contre le Covid-19 dans les hôpitaux publics.

C’est à ce moment-là que Moulay Hafid Elalamy entre en lice afin de condamner le marché des masques importés en profitant de son statut de membre du Comité de veille économique (CVE). En agissant ainsi, il a marché avec condescendance sur les plates-bandes de son collègue de la Santé Khalid Aït Taleb qui pour l’on ne sait quelle raison s’est laissé faire, ne bougeant pas le petit doigt pour défendre son marché lancé dans les règles de l’art. Expier devant la justice le retard dans l’exécution de la transaction par «la force majeure» est un argument fallacieux qu’il a dégainé dans une tentative d’escamotage de la véritable raison de l’annulation du marché.

Pur mensonge

Nous sommes bel et bien face à un coup de force, un abus de pouvoir perpétré par celui qui s’est arrangé pour se faire passer devant des médias acquis pour le défenseur intraitable du produire local, et celui qui a contribué, en partisan du patriotisme économique, à l’émergence d’une industrie nationale de fabrication des masques.

Pur mensonge. Il s’agit de bavettes à deux sous, subventionnées par l’État, dont la fabrication était confiée par Moulahom à quelques entreprises textiles privilégiées dont le groupe multi métiers Softgroup… Le personnel soignant des hôpitaux avait besoin d’urgence de vrais masques de protection et non de ces fichus qui permettaient juste de passer les barrages policiers et éviter d’écoper d’une amende.

Voilà comment Moulahoum Hafid a fourvoyé le gouvernement dans une mauvaise affaire qui respire de manière flagrante l’illégalité et l’abus de pouvoir, et qui s’est refermée comme un piège sur le ministère de la Santé et l’administration des Douanes. Les 120 millions de DH en guise de préjudice réclamé par l’importateur lésé doivent normalement être supportés par celui qui est à l’origine de ce déni de loi et de droit. Cet épisode pour le moins fâcheux, qui sera certainement tranché en dernière instance en faveur du plaignant, est à mettre à l’actif de ce responsable gouvernemental imbu de sa personne et qui se considère au-dessus des lois. N’a-t-il pas agi in fine pour asphyxier une entreprise nationale qui a eu le tort de soumissionner pour un marché public de haute importance ? Un ministre qui ne manque pas d’air. Bas les masques !

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