Les temps sont durs pour les prétendants au mariage… Abdelaziz en sait quelque chose ! Comme l’a expliqué longuement son fquih favori dans l’un de ses sermons, il ne suffit pas de vivre, manger et se vêtir Halal… Il faut surtout ne pas se rater, et réussir un mariage Halal parfait… Depuis le temps qu’il s’y prépare, ce serait le comble ! Il s’agit donc de bien choisir sa promise… Et pour ce, différentes écoles s’affrontent ! La moins risquée, qui lui a été chaudement recommandée par des amis déjà casés, consiste à associer à la prospection sa mère, ses sœurs ou toute autre dame compétente en la matière de son entourage… Elles ont une meilleure connaissance du terrain que lui, par la force des choses ! Et puis, elles pourront accompagner discrètement les « présélectionnées » au hammam, histoire de vérifier qu’il n’y a pas tromperie sur la marchandise ! Ce que Abdelaziz serait bien incapable de faire, ne fréquentant pas de hammams mixtes… À moins de se déguiser en femme, un de ses fantasmes coquins ! Bien la choisir donc, fraîche et pimpante, pas un mot plus haut que l’autre, et novice en matière de relations amoureuses… Blanche et bien en chair, élevée en batterie, à l’abri des regards lubriques, surtout pas en plein air, contrairement aux poules… D’ailleurs, ce n’en est pas une, de « poule » … Sinon, elle serait Haram ! Logique, non?… Soigneusement enveloppée dans un emballage hallal… Une bonne djellaba de chez nous fera l’affaire, Abdelaziz, en musulman à la page qu’il est, étant allergique au voile intégral qui transforme la femme en sac-poubelle ambulant…
Dans l’idéal, Abdelaziz aimerait qu’elle exerce un travail qui soit aussi Halal… Pas de banquière donc, à moins qu’elle n’exerce dans une banque dite alternative, dûment homologuée par le Conseil Supérieur des Oulémas ! Et qui paye bien, si possible, ce serait un plus… Oui, les temps sont durs ! Certains compromis s’imposent et la crise aidant, Abdelaziz n’est plus un adepte forcené de la femme au foyer… Un musulman éclairé, adepte de «l’ijtihad», vous dis-je !Mais tout bien réfléchi, Abdelaziz ne s’est pas résolu à demander l’assistance de son entourage féminin… Sur les conseils de son psy qui lui a recommandé de ne compter que sur lui-même pour le choix de sa future femme, en vue de s’affranchir enfin de l’étau étouffant des femmes de sa famille. Lequel psy l’a convaincu qu’une épouse choisie par ses proches leur serait redevable à vie, et que « l’équilibre des forces » risquait de s’en trouver grandement affecté… Et pas vraiment en sa faveur ! Il a préféré passer en revue l’ensemble de ses connaissances et collègues pour essayer de dénicher la perle rare, sans qu’aucune d’entre elles ne trouve grâce à ses yeux… Trop effrontées, pas assez pieuses, trop familières, au physique trop ingrat, ou à la situation sociale en deçà de ses exigences… Concernant ce dernier point, Abdelaziz préférerait malgré tout que sa future épouse perçoive un salaire inférieur au sien… Équilibre des forces, toujours ! Maintenant, si elle satisfait à l’ensemble des autres critères, il pourrait à titre exceptionnel déroger à cette règle… Sacré Abdelaziz !
Finalement, notre futur marié a préféré se rabattre sur internet dont il est un utilisateur assidu… Il est membre de plusieurs groupes d’échange, ce qui lui a permis de se faire quelques relations féminines avec lesquelles il échange assez régulièrement, en tout bien, tout honneur… C’est ainsi qu’il pense avoir détecté la personne idoine, après plusieurs tentatives infructueuses… Elle s’appelle Laila, et elle a tout pour elle, selon les critères draconiens arrêtés au niveau de son « cahier des charges» ! C’est une femme jeune et pieuse… Deux conditions sur lesquelles Abdelaziz ne saurait transiger… Et excellente cuisinière par-dessus le marché ! Abdelaziz, qui se pique d’être un chef accompli, aurait bien aimé s’assurer de ses talents culinaires au préalable, et tester ses compétences en réel… Bref, notre ami est convaincu d’avoir tiré le gros lot, et pense maintenant tout connaître sur Laila, sa famille, ses grandes qualités et ses petits travers… Trois mois après leur entrée en relation sur les réseaux sociaux, Abdelaziz, toujours conseillé par son psy, s’est enfin décidé à se jeter à l’eau en invitant Laila à prendre un café… C’est ainsi qu’il s’est rendu au lieu convenu, avec une demi-heure d’avance, attendant l’arrivée de la belle, et le cœur battant la chamade, tel un adolescent attardé ! (A suivre)