Difficile d’imaginer François Mitterrand faire des blagues coquines. Selon les propos de la chanteuse Caroline Loeb, derrière son air si austère, se cachait en réalité un humoriste à ses heures perdues. Il avait pour habitude d’inviter des stars à dîner à l’Élysée. Caroline Loeb, l’interprète de la chanson culte « De toutes les matières c’est la ouate qu’elle préfère ! Passive, elle est pensive en négligé de soie ! Elle déchire les pages de tous les dictionnaires. Elle n’a que quelques mots à son vocabulaire…» a raconté l’une de ses invitations, aux côtés d’autres stars de la chanson. Même si « Le menu -blanc de poulet, épinards et escargots- n’était pas terrible » d’après ses dires, «l’ambiance était détendue.» Une soirée tellement décontractée que le père de Mazarine, sa fille cachée, se laisse aller à quelques « blagues coquines».
Des blagues osées qui lui valent une description peu flatteuse : «Friand d’humour vache, de blagues salaces.» François Mitterrand fut un calculateur politique hors pair qui a réussi l’exploit de passer de l’extrême droite à la gauche ! Il avait le verbe acéré et un esprit férocement ironique. Le baccalauréat en poche, il s’installe dans la capitale et milite dans la ligue du colonel de La Rocque. Il défilera en février 1935 dans les manifestations contre « l’invasion métèque » tout en se liant d’amitié avec des membres de la Cagoule, un groupuscule d’extrême droite. François Mitterrand deviendra critique littéraire dans le quotidien L’Echo de Paris d’Henry de Kérillis dans lequel il écrit: «Désormais, le quartier Latin est ce complexe de couleurs et de sons si désaccordés qu’on a l’impression de retrouver cette tour de Babel à laquelle nous ne voulions pas croire.» Tel un félin, il attend le meilleur moment pour frapper sa proie à coup de sarcasmes savamment distillés. Volontiers rancunier vis-à-vis du Général De Gaulle qui le battait régulièrement à plate couture, il a rarement été aimable vis-à-vis du héros de la libération. Selon François Mitterrand, dans son livre « Le Coup d’Etat permanent», paru en 1964 aux éditions Plon, « le gaullisme vit sans lois, il avance au flair. D’un coup d’Etat à l’autre, il prétend construire un Etat, ignorant qu’il n’a réussi qu’à sacraliser l’aventure. » En 1967, il railla ainsi le Général : «Autrefois, De Gaulle était De Gaulle. Il n’est maintenant qu’un gaulliste !» Plus tard, en 1988, il continue à régler ses comptes avec le Général dans le magazine Paris-Match en rajoutant sur un mode sarcastique : «De Gaulle, c’était un grand homme. Mais je n’ai pas besoin de son képi. Quand il fait froid, j’ai mon chapeau.». Pour Mitterrand « Les Centristes sont une variété molle de la droite ».
En 1973, un an avant de perdre les élections face à l’Auvergnat Valery Giscard d’Estaing, Mitterrand se moqua ainsi du futur Président qui n’était encore que ministre des Finances de Georges Pompidou en le qualifiant de «Mozart de la manivelle» car lors du festival de l’accordéon de Montmorency, Valéry Giscard d’Estaing avait joué de l’accordéon en compagnie des stars de cet instrument, Yvette Horner et André Verchuren. François Mitterrand prendra sa revanche en 1981 sur Valéry Giscard d’Estaing.
Dès 1980, il commença à chercher à le déstabiliser dans une déclaration à la presse le 24 juin en le traitant de « Baron du chômage, marquis des inégalités, comte de la hausse des prix, duc de la technocratie, prince de l’électoralisme, roi de l’anesthésie ». Quand le 2 mars 1981, Valéry Giscard d’Estaing fit officiellement connaître sa décision de se représenter pour un second mandat de président de la Raie publique pour le septennat 1981-1988, François Mitterrand le tacla aussitôt : « On attendait plutôt qu’il nous présente ses excuses ! »