En 2020, nous célébrons le centenaire de la fondation de Khouribga qui coïncide avec l’anniversaire de l’OCP, l’Office Chérifien des Phosphates, groupe ainsi nommé et voulu par Lyautey pour empêcher la rapacité du secteur privé, en signant le décret du 27/01/1920 (article 2 : « la recherche et l’exploitation des phosphates sont exclusivement réservées au Maghzen »).
Du côté de la bourgade de Mnina, au nord de l’actuelle Khouribga, les indigènes nomment ce nouvel employeur « Louffisse ». Quant à Lyautey, Claire, la nièce de Benji le Seigneur de Mnina, prononce son nom « Jnaynar Lotti ». Selon les historiens, Hassan 1er serait le plus grand sultan marocain du 19ième siècle. Sa mort prématurée lors d’une 7arka contre les Zemmour l’a empêché de bien préparer sa succession qui a tourné au « game of thrones ». Son fils aîné est déshérité. Plus tard Bouhmara (l’homme à l’ânesse en arabe), va usurper l’identité de ce fils aîné d’Hassan 1er et soulever les tribus du Rif et de l’Oriental pour tenter de renverser du trône l’adolescent Abdelaziz. Ce fils de Hassan Ier et d’une circassienne a été préféré pour accéder au trône à l’âge de 16 ans à la place de son frère aîné mis en résidence surveillée. Le grand vizir Bahmad, Chamberlain de Hassan 1er, va exercer la régence pendant six ans jusqu’à sa mort en 1900. Des rumeurs circulent selon lesquelles Bahmad aurait été empoisonné. Les dépenses du jeune Abdelaziz sont somptuaires : chemin de fer dans son palais à Meknès, voitures, appareils photos en or massif…
Il creuse le déficit commercial. Le sultan Abdelaziz a été le premier sultan marocain à porter des vêtements européens, à poser en photo avec une bicyclette et à jouer au golf… Il gouverne avec l’aide de conseillers anglais qui abusent de son inexpérience. Il multiplie les emprunts auprès de la France, de l’Espagne et de la Grande-Bretagne. Son extravagance en action et en dépenses lui fait perdre la confiance des Marocains. Le recours aux Anglais pour le projet du chemin de fer entre Meknès et Fès est compris par les Marocains comme la vente du pays aux Nazaréens. L’homme à l’ânesse, Bouhmara, va exploiter cette colère des Marocains. Il finance une révolte près de la frontière algérienne. Bien que très fortuné, cet homme voyage à dos d’ânesse pour prendre le contrepied du sultan dépensier et paraître auprès des Marocains comme un personnage humble et très proche du peuple.
Ce marketing politico-religieux qui a fait ses preuves depuis la nuit des temps, est toujours d’actualité. Alors que les presses à imprimer privées avaient été autorisées par Hassan 1er, son fils Abdelaziz adopte une loi en 1897 pour réglementer ce qui peut être imprimé : les juges sont informés de toute publication et peuvent l’interdire. Cette censure limite le volume et la variété des publications marocaines au tournant du siècle. L’Université de Fès, la Karaouiyine, devient dépendante de la production ottomane importée d’Egypte. L’accord anglo-français de 1904 fut un coup dur pour le sultan Abdelaziz qui comptait sur l’Angleterre pour se protéger de la France. Le pays croulant sous les dettes, le sultan signe en juillet 1906 le traité d’Algésiras qui partage l’influence sur le Maroc entre la France et l’Espagne. L’indépendance du sultan et l’intégrité du Maroc sont garanties, l’empire chérifien reste ouvert aux entreprises de toutes les nations. La France et le Maroc sont chargés de la police des ports marocains. La surveillance des frontières avec l’Algérie, l’encadrement de la police marocaine et la présidence de la Banque centrale sont confiées à la France. La France reçoit au Maroc des pouvoirs de police. C’est à ce titre que « Jnaynar Lotti » occupe Oujda en 1907. En 1908, 6 000 soldats français débarquent à Casablanca. La même année, le sultan Abdelaziz est détrôné par son autre frère Abdelhafid.