Khouribga, une ville française… (7)

le seigneur Boujilali, père de Jilali, son premierenfant né la semaine de la mort du Sultan Hassan 1er en 1894, inspecte, comme tous lesmercredis après-midi, les murailles qui protègent le sou9 du 5misse (marché du jeudi)des razzias des Chaouis. Ce seigneur vit sous la double angoisse de bled Siba (pays de l’anarchie)et de l’imminente arrivée des N’ssara (Nazaréens) déjà en Algérie depuis 1830 !Du haut des murailles de Mnina, Boujilali voit arriver le Juif Kettani (marchand de tissus) sur sonmulet chargé d’étoffes qui vont faire le bonheur des dames de Mnina. La vision de ce Juif le rendheureux car c’est l’assurance d’avoir des nouvelles fraîches et de passer une bonne soirée autourd’un « boulfaf » (brochettes de foie enveloppé de crépine de mouton). Le règne du Sultan Hassan1er (1873-1894) apporta la tranquillité aux Juifs marocains, tranquillité qui se prolongea sous larégence de Ba Ahmed (1894-1900) même après la mort du Sultan lors d’une 7arka (expéditionmilitaire) contre les Zemmour. Kettani lui raconta que Bismarck « ne se sent plus pisser » depuisqu’il a vaincu et fait prisonnier l’empereur français Napoléon III. L’Allemagne a chargé l’explorateur Rohlfs et Wetzheim, un professeur d’arabe, de provoquer de l’agitation en Algérie. Ces deuxpropagandistes parvinrent à obtenir l’alliance du fils de l’émir algérien Abdelkader ibn Mo7yi Dine(vivificateur de la religion en arabe). Depuis la Tunisie, ils incitèrent les Algériens à la révolte.Mais la France obtint du Bey de Tunis l’expulsion de ces deux agitateurs. Bismarck décida alorsd’envoyer Wetzheim à Tanger. Celui-ci, aidé par le consul de Belgique Dalvin, tenta de rejoindre àtravers le Rif la tribu des Beni Snassen, et, par eux, de contacter les tribus frontalières algériennesen pleine agitation.C’est à partir de ces actions anti-françaises que Bismarck put apprécier l’importance du Maroc,tant au point de vue commercial et économique que politique. Pour les Allemands « le Maroc surpasse par sa fertilité et la richesse de sa végétation tous les pays méditerranéens. Ses montagnesenferment des mines inépuisables, ne devrait-on pas penser qu’un tel pays devrait être le butd’une expansion européenne (…). Son sous-sol renferme en abondance fer, cuivre, antimoine,charbon, métaux précieux… ». Cette propagande pour l’expansion allemande au Maroc ne fit queconforter Bismarck dans son désir de s’implanter dans ce pays. En mai 1878, Benhima se rendità Berlin pour concéder des avantages commerciaux, diplomatiques et militaires aux protégés «ma7myines » allemands. Un aventurier juif, Jakob Schaudt, profita de cette situation. Converti àl’Islam, il prospecta pendant plusieurs années à l’intérieur du Maroc, et remit au ministre allemandà Tanger, de nombreux échantillons de minerais de toutes natures. Après la conférence de Madrid,l’Allemagne continua avec succès à développer son implantation au Maroc, on y comptait jusqu’àhuit firmes allemandes. L’accueil des dirigeants et du peuple marocain devant cette implantation allemande massive fut mitigé. Le Sultan cherchait à contrebalancer l’influence française etanglaise. Le germanophile Bargach, alors représentant du Sultan Hassan 1er à Tanger, lui écrivaiten 1883 : « Ne te confie pas aux Anglais, ne demande conseil à aucun autre représentant qu’àcelui de la Prusse allemande ». C’est à la faveur du succès de la diplomatie germanique que vase développer à partir de 1885, sur tout le territoire marocain, une ère nouvelle de prospectionallemande. Les Germaniques ne faisaient aucun cas des bouleversements que risquait d’entraînerl’application de leurs projets sur le territoire marocain.En Allemagne, ils multiplièrent leurs publications, leurs conférences, et informaient par tous lesprocédés possibles, non seulement la population, mais encore les grandes firmes et les banques :«il faut développer le commerce avec le Maroc, il faut défendre les intérêts germaniques au Maroc; il faut créer des routes, des chemins de fer, des compagnies de navigation au Maroc ; il faut yenvoyer des missions pour prospecter le sous-sol marocain…».

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