Les maîtres de Damas !

Après un suspense insoutenable, le régime syrien a annoncé, ce jeudi 27 mai, la victoire de Bachar Al-Assad à la présidentielle avec un score soviétique de 95,1% des voix… Il faut préciser que seulement 14 millions de citoyens, sur environ 18 millions ayant le droit de voter, auraient participé au vote.  En 2014, et en pleine guerre civile, Bachar l’avait emporté par « seulement 88% » des voix… A ce rythme, il est permis d’espérer un score de 100 % lors des prochaines élections! On croise les doigts pour lui ! Comme vous le savez, et si vous ne le savez pas, Lhaj Miloud se fait fort de vous l’apprendre, Bachar avait en face de lui deux « redoutables » adversaires, adoubés par le régime, comme il se doit dans toute démocratie arabe qui se respecte! A se demander d’ailleurs si les mots « démocratie » et « arabe » ne sont pas définitivement irréconciliables ! Ces deux téméraires candidats sont un ancien ministre, Abdallah Salloum Abdallah et Mahmoud Mareï, membre de l’opposition « tolérée » par le régime… Rappelons que le président sortant a choisi d’aller voter à Douma, dernière ville rebelle reconquise par le régime en 2018… Tout un symbole ! Bachar est donc toujours au pouvoir, lui qui avait succédé à son père Hafez, le fondateur de la dynastie des Assad, alors qu’il se destinait à la profession d’ophtalmologue… Mais le destin en a décidé autrement pour ce grand visionnaire que le pouvoir a fini par aveugler !

Son père, un général d’aviation issu de la minorité Alaouite, avait accédé au pouvoir à la suite d’un coup d’État en 1970, et avait dirigé le pays pendant trente ans, d’une main de fer… Les villes d’Alep et de Hama en savent quelque chose, elles qui furent en 1982, le théâtre d’une répression féroce dirigée contre les frères musulmans ! Hafez Al Assad, à propos duquel   Henry Kissinger, l’homme de la politique des « petits pas », disait « qu’il avait une intelligence de premier ordre et un sens de l’humour méchant »… Un homme sans foi ni loi qui s’était permis de répondre de manière très cavalière à feu Hassan II qui lui avait reproché d’avoir fourni des fusées sol-air SAM de fabrication soviétique au Polisario, tout en lui rappelant que des soldats marocains étaient tombés sur le champ d’honneur en terre syrienne, et y étaient enterrés, « tu n’as qu’à venir les chercher, tes morts»! Lhaj Miloud s’est permis de rappeler cet échange qui aurait eu lieu entre le défunt monarque marocain et le dictateur syrien, pour vous permettre de vous faire une idée sur la moralité et les principes du personnage !

Le tyran est mort à soixante-neuf ans, usé par le pouvoir, et sans s’être jamais vraiment remis de la mort de son fils aîné Bassel, décédé en 1994 dans un accident de voiture. Suite à quoi Bachar, qui achevait ses études de médecine à Londres, a été rappelé à Damas par son père. Certes, l’homme présentait bien, et on lui aurait donné le bon Dieu sans confession, mais ne vous fiez pas aux apparences, parce que mauvais sang ne saurait mentir, et Bachar avait de qui tenir ! D’ailleurs, il a été préparé, pendant six ans, à exercer le pouvoir, son père l’associant aux affaires complexes d’une Syrie prise en étau entre la menace israélienne et le danger islamiste… En tout cas, l’Occident allait tomber de haut, lui qui avait placé de grands espoirs dans ce jeune président, élégant et cultivé… Et qui, cerise sur le gâteau, était marié à Asmaa, une charmante londonienne, née de parents syriens, et que les médias présentaient comme une « Lady Di arabe », au début des années 2000… Avant de la qualifier de « Marie-Antoinette syrienne », écervelée et cruelle, après l’éclatement de la guerre civile en Syrie… Puis de femme d’affaires sans scrupule, qui aurait profité de la guerre civile pour s’en mettre plein les poches !  

Lesquels médias étaient apparemment forts dépités que la gracieuse Asmaa n’ait pas pu convaincre son mari de se convertir aux charmes de la démocratie à l’occidentale, et dans la foulée de faire allégeance à Israël, seul régime « démocratique » de la région… Tant qu’on y est ! Là, elle aurait surement trouvé grâce à leurs yeux ! Mais non, il a fallu qu’elle se range résolument aux côtés de son mari, même pendant les moments les plus tragiques de la guerre civile, au lieu de fuir en Europe ou aux États-Unis pour y demander l’asile politique, et dénoncer les crimes de son affreux jojo de mari !

La Syrie est détruite mais Bachar est donc toujours là… La Syrie est en ruines mais le dictateur est plus puissant que jamais, se permettant d’organiser une élection présidentielle, deuxième du genre sous la révolution, dans les zones qu’il contrôle à l’intérieur du pays, sachant que plus de la moitié des citoyens sont déplacés et réfugiés ! Bien entendu, l’opposition locale crie au scandale et à la mascarade… Et les zones sous son contrôle -ou plutôt celui des puissances régionales hostiles au régime syrien- ont connu des manifestations importantes en signe de protestation… Les observateurs « objectifs et désintéressés » tels que l’Union européenne et les États Unis ont décrété que la prétendue élection présidentielle en Syrie n’incluait aucune des règles de la démocratie, et ne pourrait en conséquence pas contribuer à résoudre la crise… Crise qu’ils ont grandement contribué à créer et à entretenir, soufflant à qui mieux mieux sur les braises, faut-il le rappeler ? Il ne manquerait plus que ces donneurs de leçons invoquent, à l’appui de leur discours moralisateur, les « succes story » irakien et libyen, où les interventions de la coalition internationale ont permis de faire émerger des démocraties exemplaires, qui n’ont rien à envier à celles des pays scandinaves !

Bachar qui a succédé à son père, prépare maintenant son fils, le jeune Hafez, à assurer un jour sa succession… Oui, le premier fils de Bachar, né le 3 décembre 2001 et qui bouclera donc cette année son vingtième anniversaire, a reçu le nom de son grand-père, comme il est de tradition dans beaucoup de familles orientales. Et beaucoup d’Alaouites, placent tous leurs espoirs dans ce jeune homme, en qui ils voient la réincarnation de son grand-père Hafez, fondateur de la dynastie ! Hafez, deuxième du nom, succèdera donc probablement un jour à Bachar… Et il n’y aura même pas besoin d’un simulacre d’élections pour ce faire !

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