Il n’y a pas que les Marocains résidant à l’étranger… Il y a également les Marocains étudiant à l’étranger et dont le nombre augmente d’année en année… Dans l’Union européenne, bien sûr, mais pas que ! En Russie aussi et en Ukraine… Deux pays qui s’affrontent dans une guerre sans merci depuis des mois… A ce sujet, il y a une question qui taraude Lhaj Miloud, c’est de savoir ce que deviennent nos étudiants rapatriés d’Ukraine… Et qui ne sont pas près d’y retourner, on est d’accord ? Parce qu’au vu de l’enlisement du conflit, ils feraient bien d’envisager une autre destination pour terminer leurs études ou alors de se reconvertir dans l’e-commerce…
Un business qui a le vent en poupe, paraît-il ! Vous vous souvenez de ces scènes apocalyptiques où des milliers de gens hagards essayaient d’embarquer dans le premier moyen de transport venu pour s’éloigner le plus loin possible des zones de combat ? Les scènes de réfugiés abandonnant tous leurs biens pour essayer de sauver leurs vies et celles de leurs proches ont toujours quelque chose de bouleversant… et de particulièrement déconcertant quand elles se déroulent en terre européenne ! Nostradamus lui-même aurait été bien incapable de deviner qu’un beau jour la méchante Russie allait décider de déterrer la hache de guerre ! Et que nos 8.000 étudiants sur place n’auraient d’autre choix que de prendre le premier avion en partance pour leur Maroc natal… Et quand Lhaj Miloud dit le premier avion, c’est plus qu’une figure de style… Parce que des avions, il n’y en avait plus guère, le ciel ukrainien étant devenu bien peu fréquentable !
La plupart de nos étudiants en Ukraine ont donc regagné leur patrie… Mais quelqu’un a-t-il une idée de ce qu’il est advenu d’eux ? Non, personne ne suit le dossier ? En dehors de leurs familles éplorées, bien sûr ! Ils croyaient pourtant avoir tiré le bon numéro en optant pour l’Ukraine… Un pays accueillant, où la vie est plutôt bon marché et où les études médicales sont moins difficiles que chez nous ! Curieux, non ? Lorsqu’on manque de plombiers, il faut former des plombiers…
Lorsqu’on manque d’ingénieurs, la priorité doit être donnée à la formation d’ingénieurs… Ce qu’on a d’ailleurs fait en multipliant les écoles d’ingénieurs… privées ! Mais pour la médecine, c’est une tout autre histoire… On ne plaisante pas avec la santé publique, chez nous… Pour ce qui est des ingénieurs, l’enjeu est moindre ! Sauf peut-être dans le génie civil où le risque de voir des immeubles s’effondrer existe bel et bien… Un risque susceptible de vous faire passer sans prévenir de la vie à trépas, que vous soyez suivi ou non par un bon praticien !
Petits camarades
Le fait est qu’au pays des mille et un paradoxes, on s’est évertué depuis l’indépendance à former le moins de médecins possible en dépit du bon sens ! A croire que nos honorables docteurs tiennent par-dessus tout à retirer l’échelle pour empêcher de petits nouveaux de leur faire de l’ombre… Ajoutez à cela les milliers de praticiens qui ont préféré aller prêter le serment d’Hippocrate sous des cieux plus « hospitaliers», et voilà comment on a réussi le tour de force d’avoir un taux d’encadrement médical parmi les plus bas de la planète… Bien sûr, et mieux vaut tard que jamais, on s’est réveillé sur le tard et promis de multiplier les facultés de médecine et les écoles d’infirmiers pour essayer de rattraper ce qui pouvait l’être… Mais tout cela nécessite du temps et de l’argent… Et en attendant qu’on ait enfin trouvé la recette miracle pour empêcher les futurs lauréats de filer à l’anglaise, bien de l’eau aura coulé sous les ponts…
Mais rassurez-vous, nos gouvernants éclairés ont trouvé la parade : ils sont en train de faire les yeux doux à des médecins subsahariens pour les débaucher… Une manière comme une autre de déplacer le problème !
Lhaj Miloud se souvient des déclarations rassurantes dont s’était fendu le ministre de la Santé à l’époque selon lesquelles les étudiants rapatriés pourraient reprendre leurs études au Maroc… Ces jeunes gens allaient être redéployés dans les différentes facultés du Royaume… Bon d’accord, il faudra pour cela que leurs petits camarades se serrent un peu mais « l’espace est dans les cœurs», n’est-il pas ? Malheureusement, aux dernières nouvelles, la situation reste problématique…
Le niveau de ces étudiants serait insuffisant… Oui, réjouissez-vous, les amis, notre système d’enseignement est donc meilleur que celui de l’Ukraine. En tout cas, si on forme beaucoup moins de médecins et de pharmaciens, on les forme beaucoup mieux ! Ce qui n’empêche pas nos nantis d’aller soigner le moindre de leurs bobos à l’étranger, bizarrement ! Pour résumer, un élève sur 100 pourra espérer intégrer un enseignement de qualité et faire docteur… comme papa ! Vous l’aurez constaté, la plupart des praticiens continuent à être issus de catégories socioprofessionnelles aisées, et de familles nanties… Bref, des « Oulad ennass » ! Il faut dire que la longueur et la difficulté des études en découragent plus d’un… Et les classes pauvres et moyennes avaient cru avoir trouvé la solution en envoyant leurs enfants, au prix de lourds sacrifices, dans des pays lointains… Où d’ailleurs, ils doivent généralement perdre encore une année en apprenant la langue locale avant d’entamer leurs études…Une autre épreuve dans le parcours du combattant auquel ont droit ces jeunes gens… En plus des charges financières qui auraient pu être évitées aux familles et de l’hémorragie de devises qu’aurait pu s’épargner le pays… Héritage colonial oblige, la France reste la destination privilégiée des jeunes Marocains avec plus de 40.000 étudiants, soit la plus importante communauté d’étudiants étrangers dans l’Hexagone… Faut-il vraiment s’en réjouir ? L’idéal n’aurait-il pas été qu’ils puissent étudier et travailler chez eux ? Parce qu’on n’enlèvera pas de la tête de Lhaj Miloud qu’une nation qui a vraiment réussi à se développer est celle qui accueille plus d’étudiants dans ses établissements universitaires qu’elle n’en exporte»… Et qui, une fois leur diplôme en poche, arrive à les séduire suffisamment pour les retenir et les empêcher d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte…
Ne serait-ce que pour une question de devises et d’équilibre de sa balance des paiements… Parce que ça coûte cher, des études à l’étranger… En moyenne 90.000 euros par an ! Avec 100.000 étudiants à l’étranger, faites donc le compte ! Mais au-delà de cet aspect financier, il en va aussi du prestige et de la crédibilité du pays concerné ! Actuellement la seule « spécialité » où la balance penche en notre faveur, c’est celle des « sciences» religieuses…
On s’en serait d’ailleurs bien passé ! Mais pour les autres, tout reste à faire… Alors, vivement que la guerre en Ukraine s’arrête pour que nos étudiants puissent enfin reprendre leurs études… Puisque les responsables peinent à leur trouver une place dans leur propre pays !