Le grand foot-oir

Les stades marocains ont renoué avec la violence deux semaines à peine après la levée de leur interdiction aux supporters en raison du Covid-19 ! C’était à l’occasion d’un match de coupe du Trône entre l’AS FAR et le MAS Fès dimanche 13 mars à Rabat. La situation a dégénéré après le sifflet final lorsqu’un groupe d’ultras des FAR, mécontent de l’élimination de la compétition de son club par 2 buts contre zéro, a envahi brutalement la pelouse du stade Moulay Abdellah pour en découdre avec les supporteurs de l’équipe adverse. Bombardées de projectiles, les forces de l’ordre dont plusieurs éléments ont été blessés dans ces affrontements hallucinants ont dû battre en retraite devant la détermination féroce d’une horde d’assaillants qui n’avaient peur de rien. Choquantes, les scènes de ces incidents, qui se sont poursuivies à l’extérieur du stade en occasionnant de nombreux dégâts parmi les biens particuliers et collectifs, ont fait le tour des réseaux sociaux. Une question se pose d’emblée : Pourquoi les autorités ont de nouveau toléré la présence d’ultras dans les stades qu’ils ont dissous après le décès de deux supporteurs dans des violences similaires en 2016 ? Vivement le retour des matchs à huis clos! L’absence du public est le meilleur antidote au hooliganisme dont les adeptes sont capables, armés de couteaux et de barres de fer, de semer la terreur et même la mort. Souillé par ces comportements inqualifiables, le football a de plus en plus mal à ses casseurs qui portent profondément atteinte à son image de sport censé véhiculer les valeus de discipline, respect et fair-play, le football renvoie l’image d’un sport qui procure de moins en moins du plaisir et véhicule au passage des valeurs de discipline, de respect et de fair-play. Un esprit sain et lucide ne peut pas commettre de telles brutalités.  Mais quand on débarque sur les gradins, défoncé à coups de psychotropes, peut-on objectivement mesurer la gravité de ses actes ? Il faut tout simplement s’attendre à tout. Surtout au pire.

Cela fait longtemps que cette violence ordinaire, dopée par la consommation de ces saloperies hallucinogènes et qui ternit le rôle de 12ème homme joué par le public, s’était installée dans le paysage, occasionnant régulièrement des dégâts aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des stades. Certains appellent ça du hooliganisme mais l’insécurité qui sévit sur les gradins et au sortir des matchs, notamment dans les grandes villes, donne froid dans le dos. C’est une autre faune, issue majoritairement des quartiers défavorisés, qui occupe en permanence les stades dont ils ont fait leur lieu de rassemblement de prédilection. Leur univers avec ses propres codes et ses pratiques à part.  

Les événements du 13 mars sont l’expression à la fois du naufrage fracassant de l’éducation, du mal-être d’une jeunesse marginalisée et d’un certain ressentiment social. Un cocktail explosif qui fait voler en éclats une certaine idée du football.

Il n’y a qu’à voir le profil de ces hordes de supporters et leurs regards souvent hallucinés pour s’en rendre compte. Jeunes et moins jeunes, parfois mineurs, ils dégagent sur leur passage, lorsqu’ils se dirigent à pied vers les stades, l’impression d’une population survoltée, désireuse d’en découdre, de donner et de se donner du mal. Dans ce contexte, les matchs de foot ne sont qu’un prétexte pour affirmer son existence et laisser libre cours à sa colère destructrice en se livrant à des actes de vandalisme au milieu d’une foule anonyme où les uns et les autres peuvent trouver une certaine chaleur humaine, loin de leur vie sociale très difficile et riche en diverses frustrations.

En quelque sorte, le foot sert d’autant plus d’exécutoire à ce trop-plein de violence qui habite les supporteurs que le club auquel ils s’identifient, faute d’autres passions et occupations, qu’il devient leur seul centre d’intérêt, leur unique raison de vivre. Mais la situation était sous contrôle, plus ou moins gérable malgré les actes de vandalisme qui accompagnaient souvent les matchs   tant qu’elle ne dépassait pas les limites du « supportable » selon un baromètre fixé par les autorités. Mais force est de constater que la mobilisation à chaque rencontre d’une armada d’hommes en uniforme à l’intérieur et aux abords des stades n’a plus cet effet dissuasif sur les foules des stades qui sont prêtes à casser du flic. Les événements du 13 mars sont l’expression à la fois du naufrage fracassant de l’éducation, du mal-être d’une jeunesse marginalisée et d’un certain ressentiment social. Un cocktail explosif qui fait voler en éclats une certaine idée du football et même du vivre-ensemble… Cependant, les stades n’ont pas le monopole de la violence qui tend à se déplacer vers d’autres lieux, dans la rue et surtout à l’école. Il est devenu fréquent que des fauteurs de troubles en classe agressent leurs professeurs, phénomène nouveau qui n’existait pas il y a encore quelques décennies. Certains en viennent à se demander si les Marocains d’en bas, qu’ils soient supporters ou élèves, ne sont pas minés par un sentiment d’infériorité et de révolte qui se traduit par un déchaînement de violence. En tout cas, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond…

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