Les vannes des importations agricoles complètement ouvertes : Vous avez aimé le steak brésilien, vous allez adorer la figue de barbarie italienne…

Naguère abondante et bon marché, la figue de barbarie locale devenue rare et très chère doit désormais cohabiter avec sa congénère italienne. En voilà une histoire piquante.

Laila Lamrani

Les figues de barbarie d’Italie ! Le Maroc importe aussi ce produit agricole comme le montre la photo d’un vendeur de fruits mobile prise à Casablanca. Alléluia ! Standing ovation ! L’affaire ne manque pas de piquant Une autre réussite du Plan Maroc Vert, diront d’aucuns.

Pas moins de 8 DH pièce pour savourer la figue de Sicile, des Pouilles ou de Sardaigne ! De quoi avaler en travers lorsque l’on sait que son prix naguère ne dépassait pas 1DH, ce qui permettait d’enfiler une dizaine en un laps de temps sans se ruiner… Mais ça, c’était au bon vieux temps, pas si lointain que ça quand au début de l’été les vendeurs ambulants envahissent les rues et les artères des villes grandes et moyennes avec une multitude de charrettes chargées à ras bord de la fameuse et délicieuse « handia » de notre cher terroir. Un fruit de saison populaire, en pousse spontanée dans les zones chaudes du pays, que ses inconditionnels mangent sur le pouce en se régalant.

Cette époque d’abondance semble aujourd’hui révolue, la handia ayant goûté , à l’instar de certains denrées essentielles comme les viandes rouges, l’huile d’olive et les œufs beldis ( 3 Dh l’unité), au fiel de la rareté qui fait monter les prix en flèche au-delà du raisonnable en mettant à mal le pouvoir d’achat déjà très faible de la population.

Cochenille

Résultat : les quelques commerçants de rue ont proposé au mois de juillet et août dernier entre 3 et 6 DH pièce la figue de barbarie (selon la taille) issue principalement de Ait Baamrane (région de Guelmim-Oued-Noun) connue pour en être le plus gros producteur national. A croire que le temps de la profusion et du juste prix sont derrière nous !

Mais, au fait, pourquoi cette carence et qu’est-ce ce qui la justifie ? La cochenille, un ravageur qui ont décimé des dizaines de milliers de pieds de cactus , avaient-on avancé il y a quelques années. Sans toutefois aucune explication officielle sur les circonstances de l’introduction de la cochenille au Maroc qui a ravagé les plantes du Rif, des plateaux et plaines atlantiques, du Centre du Tensift, de Oued Zem et d’autres contrées … Mais au même moment, le figuier de barbarie est hissé au rang de filière dite « à haute valeur ajoutée » par le Plan Maroc Vert au même titre que l’arganier et le caroubier. Introduit en Afrique du Nord par les Espagnols dès le XVIe siècle, le figuier de barbarie devient dès lors très précieux non pas pour ses vertus nutritives mais pour l’huile extraite de ses pépins très prisée par les papes de la cosmétique européens en raison de ses bienfaits anti-âges et de ses propriétés antioxydantes, hydratantes, régénératrices et protectrices pour la peau…Le prix au litre de l’huile peut atteindre jusqu’ 3.000 euros ! Sur ce, démarre la cochenille et la destruction du cactus historique national et surgissent les fermes modernes de figuier de barbarie dans certaines régions du pays. Pure coïncidence ?

Poussant jusqu’ici à l’état sauvage ou planté en bosquets autour des habitations rurales ou utilisé comme clôtures dans les champs, le figuier de Barbarie structurait les paysages de la campagne nationale. Cette image est de moins en moins vraie, s’accompagnant en même temps de la rareté de la figue de barbarie alimentaire et de l’envolée de son prix. C’est le même scénario que connaît l’huile d’argan alimentaire qui a vu son prix flamber au cours de ces dernières années. De 200 à 230 DH dans un contexte d’abondance récent, il est passé depuis quelques années entre 450 et 500 DH le litre. La raison de cette envolée spectaculaire, il convient peut-être de la chercher dans l’orientation du marché vers une agraniculture, principalement au service de l’industrie cosmétique et pharmaceutique étrangère au détriment des coopératives féminines locales de la région du Souss. 

Ces dernières ne cessent de se plaindre de la concurrence déloyale des grands groupes exportateurs qu’elles accusent de contrôler les prix. Les gros intérêts qui ont fait leur intrusion dans les filières agricoles subventionnées ne sont jamais rassasiés. Plus ils se goinfrent, plus ils ont faim. Mais comme pour les légumes, le poulet, l’huile d’olive ou les viandes rouges dont les prix s’envolent, c’est le consommateur final qui trinque. Quant aux pauvres gérantes des coopératives d’argan, elles doivent s’estimer heureuses qu’on leur laisse quelques miettes.

Traduire / Translate