Demain le Maroc

Le monde d’avant ne devant  pas en principe ressembler à celui d’après, le Maroc du Covid-19 sera-t-il différent  et quels en seront les contours ? Saaeddine Al Othmani, Rabbah, Amara et consorts qui ont montré leurs grandes limites dans la gestion des affaires du pays vont-ils disparaître du paysage gouvernemental avec la disparition du Covid-19 de la vie des Marocains ? Ces derniers doivent-ils au contraire  supporter encore cette classe politique malade et déconnectée, qui ne suscite que railleries et désaffection ? Une chose est sûre : Vouloir faire du neuf avec du vieux est déraisonnable, voire handicapant et le Covid-19 a ouvert justement une fenêtre d’opportunité inespérée pour corriger les erreurs de casting et accélérer le train des réformes politiques sans cesse ajournées alors qu’elles sont décisives pour le développement du Maroc. En vérité, le  Royaume serait mieux inspiré de s’appuyer sur l’élan extraordinaire suscité dans la population  par les décisions à caractère préventif prises par le souverain (création d’un Fonds spécial Covid-19, fermeture de l’espace aérien national et suspension des liaisons terrestres et maritimes) qui ont permis d’amortir sur le pays le choc de la déferlante meurtrière du coronavirus. Le citoyen lambda a eu tout loisir d’apprécier plus que jamais à sa juste valeur le rôle protecteur, proactif et tutélaire de la monarchie. Il sait désormais de quel côté souffle le vent de la mobilisation en cas d’urgence extrême lorsque la nation, confrontée à une menace extérieure,  vacille sur ses bases.  Imaginez un instant si le PJD du pauvre Al Othmani, très fort  par ailleurs quand il s’agit de payer les citoyens de mots en jouant sur le registre du populisme, était amené à gérer seul cette situation périlleuse… Dieu merci, la royauté marocaine, qui en a vu d’autres, a montré qu’elle est toujours là, pour faire contrepoids, bravant le pire pour servir de cuirasse de protection aux plus vulnérables. Vous voyez bien que les digues du charlatanisme politique n’ont pas résisté à la première épreuve…

Sans aller jusqu’à décréter l’état d’urgence politique ou l’état d’exception,  le Maroc doit en clair capitaliser sur les acquis de la lutte contre la Covid-19 pour changer de logiciel politique s’il veut se libérer  des réflexes et des pratiques du passé  à l’origine de sa gouvernance défaillante dans plusieurs secteurs notamment socio-éducatifs. Amorcer ce changement décisif passe d’abord par un nouvel exécutif, dirigé par un Premier ministre technocrate. Monté autour d’une équipe commando, composé de compétences reconnues dans  leurs secteurs respectifs, ce gouvernement resserré aura du pain sur la planche. Difficile de ne pas penser à cet égard à un Driss Jettou dont le mandat a été marqué de l’avis de nombreux observateurs par une dynamique positive qui a permis de faire aboutir plusieurs chantiers d’envergure économique. Pendant que cette équipe  s’attelle à sa mission de la modernisation à marche forcée du pays, les partis politiques iront faire leur aggiornamento qui prendrait entre 3 et 4 ans. Objectif : se refaire une santé en rajeunissant  leur encadrement et en révisant leur mode de fonctionnement. Dans cette configuration, la démocratie locale, qui a tourné au naufrage depuis longtemps, serait suspendue à son tour au profit des walis et gouverneurs. Ceux-ci seraient chargés dans le cadre d’une feuille de route claire d’agir sur le terrain pour réduire les inégalités territoriales en termes d’équipements et d’infrastructures tandis que les ministres attaqueraient de front les dossiers stratégiques, qui déterminent principalement le destin d’une nation, que sont l’éducation et la formation, talents d’Achille du pays.

Le réel on le change non pas en mettant le curseur sur des tableaux Power point mirifiques mais par des actions fortes et concrètes sur le terrain.

Le réel on le change non pas en mettant  le curseur sur des tableaux Power point mirifiques mais par des actions fortes et concrètes sur le terrain. C’est de cette manière volontariste que le Maroc pourra faire émerger une nouvelle élite politique en phase avec les défis enfantés par cette crise sanitaire mondiale. En un mot, l’État, fort et protecteur, que les Marocains, confits d’admiration, ont vu à l’œuvre tout au long du contexte du Covid-19 doit pouvoir poursuivre son action salvatrice et réparatrice bien au-delà de la crise sanitaire. Une chance unique à saisir.

Cette nécessité est dictée par les défis, à la fois nombreux et énormes, posés au Maroc d’après. Parallèlement à des initiatives à court terme pour colmater les brèches (redémarrage de l’économie, soutien aux secteurs pénalisés, rétablissement des équilibres financiers de l’État…),  une batterie de décisions stratégiques sont à prendre et de nouvelles alliances à nouer ou à renforcer. Objectif : positionner le pays dans la carte du nouveau monde qui émerge, surtout que les  schémas  d’avant risquent fort bien  de devenir caduques. Quelle est par exemple la place des métiers mondiaux du Maroc, dont le pays a fait le pilier de son industrialisation,  dans ce nouveau contexte mondial en gestation? À cet égard, la menace des relocalisations est une épée de Damoclès au-dessus de la tête du pays. Le cas de Renault, qui possède une plate-forme de production à Tanger et une autre à Casablanca, est  emblématique de cette situation, l’État français conditionnant désormais son soutien au constructeur, au bord de la faillite,  au rapatriement de sa production. Dans ce virage du retour au bercail qui se dessine, il y a aussi  pour le Maroc des opportunités intéressantes à saisir puisque la Chine est appelée pour diverses raisons à être de moins en moins  l’usine du monde.  

Le Maroc a sans nul doute  tout à gagner dans ce reshoring industriel pour les groupes désireux de rapprocher leur chaîne de production du pays d’origine. Aux responsables marocains de négocier les conditions des futurs contrats de ce reshoring de proximité. Pour être plus bénéfique que ne l’a été l’offshoring au pays, ces relocalisations doivent s’inscrire dans le cadre d’un co-partenariat win-win qui va au-delà de la simple embauche de la main d’œuvre locale pour intégrer  le transfert de technologie comme levier de stimulation de l’innovation et de l’inventivité locales.

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