Avec son extension aux travailleurs non-salariés, la généralisation de la couverture sociale est en marche. La population assurée par la CNSS passera du coup de 9 à 30 millions de Marocains. Défi de taille s’il en est, que le gouvernement, sur haute instruction royale, a récemment mis en musique en publiant les décrets d’application relatifs à ce vaste programme social.
Mais le processus n’est qu’à ses débuts et il faut plus que des lois, aussi ambitieuses soient-elles, pour guérir un système de santé défaillant rongé depuis des décennies par une multitude de maux devenus chroniques. Il s’agit principalement de l’insuffisance du personnel soignant face à l’importance croissante des besoins en soins et de sa démotivation faute de conditions matérielles et morales satisfaisantes. Sans oublier le problème des déserts médicaux dans les régions reculées du pays que les responsables n’ont toujours pas réglé en raison de l’absence d’une véritable volonté politique. Cela ne sert à rien de dépenser des milliards pour doter les hôpitaux en équipements médicaux dernier cri si ces derniers ne sont pas accompagnés d’une équipe médicale en nombre suffisant, motivée et dévouée. Dans ce contexte sanitaire très peu reluisant, la couverture sociale généralisée risque d’être vidée de sa substance et les conséquences de ces défaillances en pagaille sont déjà subies depuis plusieurs années par les assurés du Ramed.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, vous avez de fortes chances de mourir au Maroc d’une appendicite que d’une maladie chronique comme le cancer faute d’une prise en charge immédiate dans le public.
Pour une hospitalisation concernant une opération urgente, les délais s’allongent plus que de raison. Plusieurs semaines d’attente sont nécessaires avant d’espérer passer sur le billard. Une victime d’un accident de la route ou tout autre patient qui veut se faire opérer se voit en plus gratifier dès son arrivée d’une ordonnance contenant divers produits médicaux comme le fil de suture et autres analyses et scanners qu’elle doit payer sur ses propres deniers. A quoi sert dans ces conditions le Ramed si son bénéficiaire doit passer à la caisse ? Le manque terrible de moyens face à l’importance de la demande en soins est aggravé par le déficit en ressources humaines qui trouve son origine dans l’expatriation sous des cieux plus cléments d’un nombre croissant de médecins. C’est cette équation complexe que le ministère de la Santé et de la Protection sociale est appelé, au-delà de la généralisation de la couverture sociale aux travailleurs indépendants, à résoudre pour que l’accès aux soins, avec la même qualité pour tous, soit garanti dans les hôpitaux. Vaste programme…
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, vous avez de fortes chances de mourir au Maroc d’une appendicite que d’une maladie chronique comme le cancer faute d’une prise en charge immédiate dans le public. Pourquoi ? Parce que le cancer bénéficie d’un dispositif de soins complet grâce à la mobilisation de la Fondation Lalla Selma qui accomplit un travail remarquable autant dans la prévention que le traitement de ce mal. Pourquoi ne pas agir avec le même esprit d’efficacité avec toutes les maladies? L’autre plaie béante a pour nom la médecine d’urgence où le Maroc fait figure de très mauvais élève. Ce qui ne permet guère, faute d’un circuit court, clair et balisé dans ce domaine, de sauver des personnes victimes d’un accident de la route grave ou d’une crise cardiaque par une prise en charge adéquate avant même l’intervention des praticiens à l’hôpital ou en clinique.
Le grand défi porte sans conteste sur une réforme en profondeur des systèmes de santé publique qui pâtissent de manière chronique d’un certain nombre de dysfonctionnements plusieurs fois diagnostiqués. Il s’agit aujourd’hui d’imaginer de nouveaux mécanismes en vue d’améliorer l’efficience hospitalière qui laisse beaucoup à désirer pour des raisons liées à la mauvaise gestion, au sous-encadrement humain et à la démobilisation du personnel soignant. L’une des pistes à cet égard serait la mise en place d’un partenariat public-privé dont il convient de tracer les contours et les champs de collaboration avec les moyens à allouer et les objectifs à atteindre. La généralisation de la couverture sociale n’étant pas une fin en soi, le gouvernement doit agir pour réformer l’hôpital en donnant aux soignants les moyens dont ils ont besoin. Pas de protection sociale effective sans efficacité sanitaire.