Cafés, restaurants, écoles de surf et autres kiosques… Sans crier gare, les autorités ont procédé mercredi 17 mars à la démolition des constructions, plus ou moins légères, implantées sur le littoral de Dar Bouazza. Les exploitants sont à la fois scandalisés et choqués par la disparition brutale de leur gagne-pain. Mais face aux critiques des uns et des autres, les responsables invoquent l’occupation illégale du domaine maritime dont l’autorisation est délivrée par le ministère de l’Équipement. Or, les commerçants en question ont pris l’habitude d’exploiter cette bande littorale, envahie de plus en plus par des petits commerces sauvages de toutes sortes avec la complicité des élus communaux de la commune Dar Bouazza qui monnayent tout ce qui génère de l’argent dans un informel absolu.
Est-ce la fin d’un laxisme ravageur et de la pagaille alimentée par les passe-droits sur le littoral national ? Il paraît que les démolitions des baraquements de Dar Bouazza rentre dans le cadre de la convention, signée en septembre 2014 visant la mise à niveau du littoral du grand Casablanca (Aïn Diab, Aïn Sebaa, Mohammedia, et Dar Bouazza). On voudrait bien croire que les pouvoirs publics ont décidé une fois pour toutes de mettre de l’ordre dans le patrimoine maritime national qui contribue grandement à l’attractivité du Royaume. Or cette richesse exceptionnelle est victime depuis longtemps d’une prédation à grande échelle sur fond de bétonnage qui a produit au fil des ans un tissu de constructions sauvages et hideuses. À force de laxisme et de complicités souvent sonnantes et trébuchantes, toutes les zones sont devenues pratiquement constructibles ! Circulez, il n’y a plus rien à protéger !
Le littoral appartient à tous les Marocains. Aux autorités d’agir pour le préserver de la rapacité foncière et immobilière. Avec l’objectif d’en faire, conformément à la réglementation en vigueur, un levier de développement économique et touristique au bénéfice des visiteurs locaux et étrangers.
Quid de la loi littoral censée préserver et contribuer à valoriser les sites naturels en front de mer par un encadrement des activités de loisirs liées au balnéaire ? Elle sert visiblement juste à alourdir l’arsenal juridique du pays. Les pouvoirs publics et les élus laissent faire au grand profit des prédateurs de l’immobilier qui parviennent à leurs fins en faisant construire des complexes résidentiels sous forme de villas sans s’embarrasser d’aucune considération qu’elle soit écologique, touristique, urbanistique ou esthétique. L’essentiel pour eux c’est qu’ils s’enrichissent facilement au détriment de l’environnement et de la collectivité en vendant au prix fort leurs projets aux inconditionnels de «la vue sur mer» ou d’escapades «pieds dans l’eau». Sans que ce bétonnage, qui s’insère très rarement dans le paysage, ne génère la moindre dynamique économique en faveur des habitants de la région qui souvent se plaignent de ce coulage de béton qui leur gâche la vue et la vie. La seule valeur ajoutée générée est celle qui profite aux promoteurs eux-mêmes qui, une fois leurs masures écoulées, s’en vont chercher un autre «coin de paradis» maritime à défigurer, qu’ils vanteront ensuite à coups de réclames dans les médias.
Au rythme où vont les pelleteuses et les appétits des rapaces, il ne restera plus de zone vierge tout au long des belles côtes marocaines qui s’étirent sur plus de 3 400 km. L’effet aubaine n’est pas près de s’arrêter tant que les communes, concernées en premier lieu par la protection de leur domaine littoral, n’agissent pas dans le sens d’un développement cohérent de ses espaces en élaborant des schémas de mise en valeur de la mer (SMVM).
Dans beaucoup d’endroits magnifiques comme à Sidi Rahal et à Dar Bouazza, pour ne citer que la région casablancaise, c’est l’anarchie qui domine avec des constructions moches qui jaillissent de terre dépourvues des attributs d’un programme touristique digne de ce nom. Mais les seigneurs de la pierre, attirés par l’appât du gain, profitent des mesures incitatives accordées au tourisme national et de l’incurie du personnel communal pour se lancer en toute impunité dans un immobilier pur et dur préjudiciable au patrimoine maritime.
Infractions en tout genre, atteinte aux droits des riverains, menace sur les équilibres biologiques…, les scandales sur ce front sont légion. Mais les pouvoirs publics, à commencer par le ministère de l’Environnement, ne font rien pour protéger le littoral contre la mercantilisation sauvage et les faux développeurs-aménageurs qui ont poussé comme des champignons tout au long des villes littorales. Pour un pays qui se veut en pointe en matière de protection de l’environnement, les massacres en front de mer doivent interpeller les responsables et réveiller leur conscience endormie. Le littoral appartient à tous les Marocains. Aux autorités d’agir pour le préserver de la rapacité foncière et immobilière. Avec l’objectif d’en faire, conformément à la réglementation en vigueur, un levier de développement économique et touristique au bénéfice des visiteurs locaux et étrangers. Pour y arriver, il faut juste veiller à l’application de la loi et son respect par tous.