Dernier espoir avant la casse ?

Leila Benali, Ministre de la Transition Énergétique et du Développement Durable.

Et c’est reparti pour un tour ! La Samir sera de nouveau soumise à la vente aux enchères après la première tentative infructueuse lancée en 2017. Pour cette opération de la dernière chance, un deuxième échec n’est pas à exclure. Voici pourquoi.

Les candidats potentiels ont jusqu’au 8 mars pour se manifester et déposer leur offre auprès du syndic judiciaire Abdelkebir Safadi qui avait annoncé la bonne nouvelle de l’année début janvier 2023 ! La relance de l’opération de cession du raffineur de Mohammedia intervient dans un contexte particulier marqué toujours par la hausse des prix des carburants à la pompe, provoquée en grande partie par la guerre en Ukraine. Ce renchérissement sans précédent a suscité un mécontentement général de la population et permis au Front national pour le sauvetage de la Samir  de donner de la voix en réclamant  de nouveau la reprise de l’activité  du raffinage de la Samir. Argument avancé : Les marges de raffinage issues de produits localement traités seraient moins élevées que les produits finis importés par les distributeurs de l’étranger. Ce qui se traduirait par une baisse oscillant entre 1,50 voire 2 DH le litre dans les stations-service. Les Marocains payent à la pompe les coûts élevés et du raffinage et du fret, et la douloureuse aurait été certainement moins pénible si la Samir était toujours en service, avait martelé  le chef de ce Front El Houssine El Yamani. Ce scénario, qui semble aujourd’hui le plus avantageux sur le papier  pour  le consommateur, est mort et enterré.

La deuxième tentative sera peut-être fructueuse ?  Le prix d’ouverture  fixé à 21,46 milliards de DH laisse entendre  que la Samir, pompée jusqu’à la moelle par son principal actionnaire, le saoudien Mohamed Cheikh Al Amoudi, reste une belle affaire qui ferait bousculer les repreneurs potentiels au portillon. Opportunité de rattrapage à saisir  donc par les investisseurs étrangers qui il y a 6 ans ont péché par manque de flair… Mais qu’est ce qui a changé depuis cette époque à aujourd’hui   pour que l’entreprise en faillite  à fourguer, à l’arrêt  depuis 2015 et dont la mise en liquidation a été ordonnée par la justice une année plus tard,  suscite un regain de désintérêt pardon d’intérêt?! Pas grand-chose, sauf le prolongement du délai de grâce au profit ou au détriment  de l’outil industriel afin qu’il s’enfonce encore davantage dans le pourrissement hautement dommageable pour son redémarrage, le moment venu… Ce moment a-t-il une réelle chance de pointer son nez ou bien ?  La ministre de la Transition énergétique et du Développement durable la très versatile  Leila Benali  a-t-elle jugé opportun de remettre ça, persuadé que la Samir a encore malgré les outrages du temps  de beaux restes susceptibles de séduire ?

Or, en pleine envolée des prix des carburants à la pompe et le concert des protestations qui l’avait accompagné, la ministre avait dans un premier temps déclaré le 29 juin 2022 sur 2M que le Maroc n’avait pas besoin d’une raffinerie de pétrole, arguant que « les techniques de raffinage ont changé, et qu’il ne s’agit plus des mêmes process adoptés dans les années 70». Puis, elle se rétracte le 19 juillet de la même année  devant les députés en soutenant qu’elle n’avait jamais dit  cela.

Cheval de bataille

Pour elle, la Samir en faillite est redevenue comme par magie un dossier d’investissement qui doit être traité «de manière raisonnable, avec la nécessité de développer une vision claire en matière de gestion et de prise en compte des intérêts de l’État marocain comme investisseur potentiel, de la main-d’œuvre de la société et des habitants de la ville de Mohammedia». La relance de la cession de la Samir par le tribunal de commerce de Casablanca sonne comme une liquidation de cette option avant même d’avoir connu le moindre début de déploiement  ! Extraordinaire Mme Benali qui a du  mal à rester sur une seule ligne, visiblement bousculée par des enjeux qui la dépassent. Retour donc au feuilleton de la cession ayant l’avantage de plaire au syndicat  de la Samir qui  a fait de la reprise de l’activité du raffineur son principal cheval de bataille.

Juste de la surenchère syndicale car la  perspective d’un retour de la Samir sur le marché du raffinage ressemble à un beau  mirage. « On ne redémarre pas une raffinerie dont les machines sont à l’arrêt depuis 2015 comme on redémarre un moteur en mal d’entretien », explique un connaisseur du secteur, pétrolier sans oublier, ajoute-t-il, les contraintes et les fluctuations inhérentes à l’activité du raffinage en interne et à l’international. Un autre expert abonde dans le même sens en expliquant que le redémarrage des installations de la Samir est une gageure car il  faut plusieurs milliards de DH  pour redresser l’outil de production complètement et surtout trouver des clients à une Samir qui n’en a pratiquement plus depuis que les distributeurs  locaux s’approvisionnent eux-mêmes sur le marché international.  

L’on se dirige vers un deuxième  échec programmé de la revente de la société au terme duquel le Front pro-Samir dirigé ne pourra plus soutenir le projet très hypothétique de la reprise. Cette seconde tentative que les experts savent d’avance condamnée à l’échec serait donc la dernière étape avant d’envisager le seul scénario plausible qui reste sur la table :  le démantèlement de la boîte vidée de toute son essence et la revente de ses équipements en pièces détachées qui iraient alimenter l’économie circulaire. Quel projet de reconversion de la Samir ? Le Canard avait défendu en 2016 sur ces mêmes colonnes l’idée d’une station balnéaire sur toute la côte de Mohammedia incluant également le site actuel de la SNEP et autres sociétés dont les plateformes de production pourraient être délocalisées à  Jorf Lasfar à El Jadida. L’ancienne cité des fleurs, défigurée par un urbanisme chaotique, pourrait retrouver son éclat d’antan en devenant un espace de la villégiature balnéaire pour les touristes locaux et étrangers.

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