J’ai toujours été fan du KACM et tellement triste de voir mon équipe réduite à son ombre après avoir brillé de mille feux. Je partage avec vous ce coup de cœur. Bonne lecture.
Fouzi ZEMRANI
A la veille de l’organisation de la CAF au Maroc, il m’a semblé opportun de partager avec vous une réflexion sur l’importance donnée au football par les marocains en général et les Marrakchis en particulier. La relation des marocains au foot est fusionnelle et ne date pas de la dernière coupe du monde au Qatar, mais elle a toujours existé depuis l’apparition de ce sport au Royaume, avec plus ou moins d’intensité en fonction des périodes et des situations vécues par les populations.
Le football a fait son apparition au Maroc avec le protectorat vers 1912. Ce sont les européens qui l’ont introduit au Royaume Chérifien. Il devait sans aucun doute y exister des jeux de balle, mais cela n’a jamais été documenté. Le Foot moderne tel qu’il a été défini par les britanniques, avec ses règles standardisées a émergé en Angleterre au 19eme siècle au niveau des écoles publiques. Ce sont des étudiants de l’Université de Cambridge qui les premiers tentèrent d’en unifier les règles en 1848, avant que la Fédération Anglaise de Football (Football Association) crée en 1863 ne s’en empare pour lui donner définitivement la forme que nous connaissons tous aujourd’hui.
A ce sujet, je vous conseille une série sur Netflix, intitulée « The English Game » qui renseigne de manière ludique le passage du foot amateur au foot professionnel. Revenons à Marrakech, fondée en 1920, L’ASM (Association Sportive de Marrakech), est l’un des premiers clubs multisports de la ville, structuré autour des colons européens, il participe à des compétitions régionales avant son accession en première division du Maroc post indépendance en 1956 après sa fusion avec le SAM (Sporting Athlétique de Marrakech) club prestigieux crée en 1927 et qui a remporté plusieurs titres, dont la Coupe du Maroc en 1934, ainsi que deux Coupes des vainqueurs de l’ULNAF ( Union des Ligues Nord-Africaines de Football) en 1939 et 1942 et le championnat du Maroc en 1953.
L’année 1947 a été marquée par le discours de Tanger prononcé par Feu SM le Roi Mohamed V et qui est considéré comme étant la déclaration officielle d’indépendance du Maroc. C’est cette même année, le 20 Septembre que fut créé le Kawkab Athlétique Club de Marrakech (KACM), une équipe populaire des quartiers de la Médina et plus exactement du quartier Annajah et cette coïncidence n’est pas fortuite, mais elle marque la symbiose du Peuple avec son Roi avec un seul objectif : L’indépendance du Maroc. Le fait de créer une équipe locale, gérée par des Marrakchis de souche et s’approprier du coup le leadership de la compétition en absorbant peu à peu des équipes telles que l’ASM et le SAM en 1956 année de l’Indépendance est une preuve supplémentaire que le Foot est un soft power très puissant dont les Marocains ont toujours usé pour asseoir leur souveraineté.
La décennie de 1958 à 1968 est considérée comme étant l’âge d’or du KAWKAB durant laquelle il été Champion du Maroc en 1957 et 1958, vainqueur de la coupe du trône en 1963-1964 et 1965. C’est la seule équipe à avoir établi cet exploit à ce jour et à s’approprier le trophée définitivement. De 1968 à 1984, c’est la traversée du désert, l’équipe n’a pas su se réinventer, ses joueurs ont vieillit et ce qui devait arriver, arriva : l’équipe tombe en 2eme division et sombre dans un climat de sinistrose perdant de son éclat en ne gagnant aucun titre. Même son public la boude ne reconnaissant plus ni les joueurs ni les dirigeants qui naviguent à vue sans aucun cap et encore moins de stratégie.

1984 – 1999 : Un homme providentiel prend les choses en main, il s’agit de Mohamed Médiouri, responsable de la sécurité Royale, président de Fédération Royale Marocaine d’Athlétisme et de la Fédération Royale Marocaine de Taekwondo. Natif de Marrakech, il a insufflé un nouveau souffle en introduisant de nouvelles règles de gestion, de communication et de commercialisation notamment en introduisant une stratégie financière innovante, en signant des contrats de sponsoring avec des entreprises telles que La Poste du Maroc, Dolidol et Volvo. Il est le premier à développer la Marque KACM en initiant la création de boutiques autour du stade El Harti pour vendre des produits dérivés du club, renforçant ainsi l’identité et la visibilité du KACM.
Durant sa présidence, le club construit un complexe touristique et commercial autour de l’ancien terrain de Rugby rebaptisé Larbi Benmbarek et générant de nouvelles sources de revenus afin de pérenniser le financement du Club. Last but not the least, c’est au cours cette période que fut construit le centre de formation à Bab Doukkala baptisé Centre Kansouli en hommage à un fervent supporter mort lors d’un déplacement du club. Ce centre de formation était sensé servir de pépinière pour le club à l’instar de ce qui se fait ailleurs et notamment au niveau des grandes équipes européennes.
Ce n’est pas pour rien que cette période est considérée comme étant la renaissance du club, qui s’est manifestée par le retour en première division et durant laquelle le club a été sacré champion du Maroc en 1991/1992, et deuxième du classement pour les saisons : 1986/1987, 1987/1988, 1997/1998, 1998/1999. Il a aussi remporté la coupe du trône pour les années : 1987, 1991 et 1993 et finaliste en 1997. En 1996, le club réussit à gagner pour la première fois de l’histoire du football marocain la coupe de la CAF.
1999-2011 : Une période difficile pour le club avec une relégation en deuxième division en 2005 suivie d’une promotion lors de la saison suivante grâce à l’intervention du président et ancien joueur Tahar El Khalej. Cette décennie est marquée par des problèmes financiers majeurs durant laquelle le KACM n’arrive plus à honorer ses engagements ni au niveau des ses joueurs, ni au niveau de son staff, c’est le flou total et cela, à quelques exceptions prêt, est le cas de plusieurs équipes de la D1.
En 2011, la Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF) engage une réforme ambitieuse pour professionnaliser le football national. L’objectif est clair : moderniser la gestion des clubs, améliorer les performances sportives, et aligner le championnat marocain sur les standards internationaux. La mise en place des textes réglementaires a nécessité beaucoup de pédagogie afin de changer les mentalités et par là passer de l’amateurisme au professionnalisme. Désormais, chaque club sera tenu de se structurer comme une société anonyme sportive, avec une gestion financière rigoureuse, encadrée par des contrôles réguliers. Les dirigeants doivent répondre à un cahier des charges strict, portant sur les infrastructures, la formation, l’encadrement médical et administratif.
Les joueurs, eux, signent des contrats professionnels et évoluent dans un environnement plus stable et encadré. Parallèlement, la FRMF renforce le système de droits TV, incite les clubs à développer leur marketing, et encourage la construction de centres de formation et de stades aux normes modernes. Cette réforme marque ainsi un changement de culture, où le football marocain n’est plus simplement passion, mais aussi entreprise, projet et vision à long terme.
Il faut croire que le KACM n’a pas su ou n’a pas pu prendre le virage du professionnalisme en continuant à se gérer de manière très approximative avec des règles réprimées tant par la FIFA que par la FRMF. En 2011 il retourne en division inférieure, remonte en 2013 et fait ainsi le Yoyo jusqu’en 2022, où pour la première fois de son existence ; il chute en 3eme division avec tous les affres que constitue la compétition à ce niveau. Cette période est marquée par une valse de présidents, d’entraineurs et de joueurs au grand dam d’un public de supporters qui depuis est privé de terrain ( Le stade du Harti est fermé depuis 2015) et obligé de se déplacer soit au Grand Stade de Marrakech, soit à celui de Sidi Youssef Ben Ali. Des supporters n’ayant toujours pas les moyens de leurs ambitions au même titre que leur club qui se débat dans une crise financière dont il ne voit pas d’issue, mais toujours omniprésents pour l’accompagner contre vents et marées : Dima Koukab !
La page Facebook du KACM affiche 167K followers, le compte Instagram totalise 94,2K followers alors que X semble suspendu. Il y a donc une véritable présence sur les réseaux sociaux et des fans qui n’hésitent pas à encourager leur équipe. Les matchs sont retransmis en direct via Facebook et très suivis par un grand nombre de fans appartenant à plusieurs groupes qui ont tous un point commun : leur amour pour L’KOUKAB !
L’équipe est actuellement leader de la Botola 2 à seulement 2 points du Raja de Beni Mellal, à 5 points de l’US Yakoub El Mansour et à 7 points de l’Olympic Dcheira, il reste encore 5 matchs……et le retour dans l’élite n’est pas garanti à 100%. En tant que première destination touristique du Royaume, Marrakech mérite une grande équipe de Football et devrait s’en donner les moyens. Certains ingrédients sont déjà là et j’en veux pour preuve le nombre de clubs de foot qui se sont ouverts ces dix dernières années entre terrains de proximité aménagés par les communes et équipements de qualité arborant le label Académie de Football, de véritables pépinières pour les découvreurs de talents qui veulent bien se donner la peine d’alimenter leurs équipes à l’instar de ce qui se fait ailleurs et sous d’autres cieux.
Avoir une grande équipe de football est aujourd’hui plus qu’hier un moyen supplémentaire d’asseoir l’attractivité de la destination pour une clientèle qui inclue le foot dans son agenda de voyage. Prenons exemple sur Barcelone,Madrid, Milan ou Paris, leurs images sont liées à leur équipe Le Barca, Le Real, L’Inter ou le PSG sont aujourd’hui des valeurs sûres qui attirent de nombreux fans ainsi que des sponsors qui mettent le prix pour paraitre sur les maillots et les terrains de jeu.
Le Camp Nou, le Bernabéu, le Parc des Princes et le San Siro sont aujourd’hui des Temples à visiter avec ou sans compétition car il font partie intégrante de la destination et racontent des histoires, pour ne pas dire l’Histoire. Toute proportions gardées, il en est de même du Stade du Harti construit en 1930 qui a vu évoluer des générations de joueurs de football emblématiques tels que Krimou, Moulay Lahcen, Lachhab, Khaldi, Lmamoun, Tahar Lakhlej, El Bahja, Chaoui et tant d’autres. Si aujourd’hui ce stade mythique ne peut plus recevoir de compétition pour des raisons sécuritaires, il faudrait peut-être penser à en faire un musée du football avec un centre de formation, apparemment celui de Bâb Doukkala devrait fermer. Une manière de perpétuer l’histoire et d’ajouter un autre monument historique à Marrakech.
En aucun cas, ce patrimoine footballistique ne devrait être détourné vers de l’immobilier ou autre projet mercantile. Il y a de fortes chances que le KACM évolue la saison prochaine en Botola 1, mais en a-t-il les moyens ? Le football moderne impose de la rigueur au niveau de la gestion, des capitaux conséquents, une gouvernance irréprochable, un recrutement efficient, un staff qualifié, des équipements de qualité, des supporters et non des hooligans et surtout une formidable envie de faire plaisir en se faisant plaisir. Dima Koukab!