Jouer collectif en défendant ensemble le bilan de la coalition gouvernementale, telle n’est pas l’intention des alliés du RNI, notamment l’Istiqlal, dont le patron a annoncé la couleur le 11 janvier à Casablanca. Décryptage.
Ahmed Zoubaïr
Tout indique que l’année qui commence sera dominée, côté gouvernemental, par des postures préélectorales puisque les partis politiques pensent déjà aux élections de septembre 2026. Les premiers à se lancer dans les petites manœuvres partisanes, les composantes de la majorité gouvernementale, le PAM et l’Istiqlal en particulier. La coordinatrice de la direction collective du Parti Authenticité et Modernité (PAM) et par ailleurs ministre de l’Aménagement du territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville, cru bon de lancer les hostilités depuis un réunion des ambassadeurs et ambassadrices du Cercle Diplomatique et des représentants des organisations internationales accrédités auprès du Maroc.
Lors d’une prise de parole, Fatima Ezzahra El Mansouri qui n’y est pas allée par quatre chemins s’est montrée confiante quant à la capacité de son parti d’arriver en tête du prochain scrutin. «Les prochaines élections législatives seront importantes dans l’histoire du pays, et devraient se dérouler sur la base d’un programme électoral clair et précis ». Importantes et surtout d’une grande portée symbolique parce que c’est sous le mandat de la majorité qui émergera de ces consultations que se jouera la coupe du monde co-organisée en 2030 par le Maroc, l’Espagne et le Portugal… Le leader de l’Istiqlal, lui, a fait carrément le choix de vilipender l’action du gouvernement dont il est pourtant en tant que formation et comme ministre. Profitant de la tribune d’un meeting animé à Casablanca, à l’occasion de l’anniversaire du Manifeste de l’indépendance du 11 janvier 1944, il n’a eu aucun mal à donner un coup de canif dans le pacte de la majorité en endossant sans complexes le costume de l’opposant très critique vis-à-vis de l’action du gouvernement. On se croirait devant le patron du PPS Nabil Benabdellah en l’écoutant faire l’inventaire des ratages de l’exécutif et de ses insuffisances.
Tout à sa rhétorique de la duplicité, M Baraka s’est désolidarisé sans rougir avec ses partenaires de la majorité en se posant défenseur des victimes des quatre années de la gouvernance de la majorité : La classe moyenne dont la situation a subi une dégradation notable, la vie chère devenue insupportable, l’accentuation des inégalités sociales et la hausse du taux de chômage qui atteint, en citant les chiffres du HCP, quelque 39,5% chez les jeunes.
Avec sa stratégie de pied dedans pied dehors, le Baraka espère ratisser large, draguer une classe moyenne de plus en plus sous pression, les masses laborieuses comme les appelle l’Istiqlal et son syndicat l’UGTM qui subissent de plein fouet les contrecoups du renchérissement du coût de la vie, les sans-grades qui sont rivés en bas de l’échelle et un nombre croissant de jeunes qui languissent dans l’inactivité et le désespoir. Ce sont principalement chez ces catégories, surtout les plus défavorisées, qui prennent massivement le chemin des urnes aussi bien dans le Maroc des villes que des campagnes, que le chef de l’Istiqlal entend faire le plein de voix qui permettrait à son parti de prendre le lead électoral…
Aubaine politique
Dans la tête du gendre de Abbas El Fassi, seul le RNI, parti-locomotive et son chef Aziz Akhannouch, également chef du gouvernement, sont comptables de ce bilan négatif. S’en laver les mains c’est faire éviter à l’Istiqlal un vote-sanction tout en s’offrant une certaine virginité politique. Pour un parti qui a été, si l’on excepte son intermède oppositionnel après sa démission du cabinet Benkirane en 2013, de tous les gouvernements depuis l’indépendance du pays, la ficelle est un peu grosse.
Mais les dirigeants istiqlaliens, qui n’ont pratiquement jamais quitté les allées du pouvoir, ont pris l’habitude d’insulter l’intelligence des électeurs… Pendant que le patron de l’Istiqlal se lançait dans sa stratégie du cavalier seul proche de ce Maroc qui souffre, le chef du RNI Aziz Akhannouch a réuni ce 11 janvier à Rabat le conseil national du parti. Dans son discours, le chef du gouvernement, qui croit toujours dans sa bonne étoile malgré l’adversité surtout électronique pour rempiler en 2026, s’est félicité des résultats « positifs » réalisés par le gouvernement tout au long des trois années écoulées et des « profondes » transformations opérées dans différents domaines.
A l’inverse de Nizar Baraka persuadé que le RNI au pouvoir est un boulet électoral et en même temps une aubaine politique pour l’Istiqlal en 2026, Aziz Akhannouch assume pleinement l’action de son cabinet qu’il juge plutôt honorable. A l’intention des électeurs du Maroc profond et marginalisé, il a évoque un programme d’urgence de 2,5 milliards de DH destiné notamment à la réhabilitation des zones victimes des dernières inondations [notamment les régions de Tata et Ouarzazate] et à la mise à niveau du réseau routier endommagé par les intempéries.
L’autre grand réservoir en voix a pour nom le Haut-Atlas occidental ravagé par un séisme meurtrier en septembre 2022 et qui bénéficie d’un dispositif «complet de reconstruction et de réhabilitation.» Aucune allusion en revanche à la vie chère et à la détérioration du pouvoir d’achat du grand nombre qui représentent une préoccupation majeure pour de nombreux ménages aux prises avec un quotidien de plus en plus difficile. Visiblement à court d’arguments convaincants, le chef du gouvernement préfère ne pas s’engager sur ce terrain pourtant déterminant dans le choix de la population en âge de voter, laissant cet exercice périlleux aux militants rnistes. « Les militants du RNI, invités par M. Akhannouch, à se coltiner le terrain pour renouer dans les régions avec leur « philosophie de proximité » avec les citoyens auront fort à faire pour argumenter dans la perspective de regagner leur confiance…», confie un président d’une commune pauvre du sud du Maroc. Ambiance…