Dans ce contexte de flambée des tarifs des matières premières aggravée par les difficultés d’approvisionnement, certains industriels notamment de l’agro-alimentaire ont trouvé une astuce pour ne pas augmenter les prix en rayon et ne pas faire fuir les consommateurs…
Les Marocains ne sont pas seulement aux prises avec une inflation de plus en plus forte qui grignote leur pouvoir d’achat au-delà du supportable. Les légumes et les viandes rouges dont les prix ont subi depuis quelques semaines une envolée spectaculaire viennent écraser le panier de la ménagère qui n’en peut plus mais… A ce rythme, préparer un tajine, pitance quotidienne du grand nombre, risque de virer au repas de luxe !
Dans les rayons du supermarché et autres chaînes de distribution, la fièvre des prix n’a pas non plus baissé, la valse des étiquettes poursuivant son trend haussier sur fond de pratiques peu catholiques cachées.
Mais avec un peu plus de vigilance que d’habitude, le client peut découvrir le pot-aux-roses qui n’est pas très rose. Des paquets de biscuits avec moins de biscuits, des boîtes de thé moins remplies, des boîtes céréales moins étoffées, des portions de fromage plus maigres,… Parfois pour le même prix habituel, voire plus cher. A bien regarder du plus près les étiquettes et parfois à vue d’œil, on s’aperçoit que certains produits agro-alimentaires ont rétréci en quantité…
Cette pratique porte un nom : la shrinkflation (du verbe anglais shrink, qui signifie « rétrécir »). «C’est une augmentation du coût du produit, qui ne se fait pas par le prix du produit, mais par la réduction de la quantité, pour le même prix».
Nombre d’industriels, essentiellement les grandes marques, recourent discrètement à cette technique frauduleuse, à l’instar des opérateurs du secteur laitier comme Danone Centrale Laitière. Certains de ses produits ont pratiquement fondu en perdant chacun 10 g sur le poids net habituel comme les « Danette » qui n’affichent plus que 80 g ou les Danup à boire (170 g actuellement contre 180 g auparavant).
Pour quelques grammes en moins, il n’y a pas de quoi faire tout un plat pour les consommateurs indifférents. Mais cette réduction des quantités c’est plusieurs dizaines de millions de DH de bénéfice annuel en plus pour Danone Centrale Laitière.
Trompeur
En effet, la shrinkflation induit souvent une hausse des marges des industriels. Après les profiteurs de guerre, les profiteurs de l’inflation. Chez Centrale Laitière, cette shrinkflation s’est accompagnée d’un changement de packaging. Faire pot neuf pour mieux faire avaler le morceau aux clients. Moins d’ingrédients dans un paquet ou une boîte permet aux industriels dans ce contexte de flambée des matières premières de ne pas trop augmenter les prix en rayons au risque de voir le consommateur bouder leurs produits.
En fait, tous les produits sont pratiquement concernés jusqu’au papier toilette dont la taille tube du rouleau a subi une augmentation pour cacher une réduction du volume du papier. Certains opérateurs ont trouvé cette astuce pour tromper le client en lui faisant croire qu’en proposant un pack familial contenant 12 ou 24 rouleaux avec quelques centimes de moins il fera une bonne affaire.
«C’est plus insidieux parce que diminuer la taille, c’est moins voyant qu’une hausse de prix », avait expliqué à l’AFP Jonathan Khoo, concepteur de logiciel en Oregon. «C’est le délai entre l’achat et le moment où vous vous rendez compte que vous vous êtes fait avoir qui rend la manœuvre pire qu’une hausse de prix.
Curieusement, la shrinkflation n’est pas jugée comme un procédé commercial trompeur en Europe. Le lobby des industriels a les moyens de tout faire avaler au pauvre consommateur. Au Maroc, la réglementation en matière de répression des fraudes, un service de plus en virtuel sous nos cieux, n’a même pas prévu un tel phénomène. Qu’on le veuille ou non, celui-ci se déploie au détriment des droits du consommateur. Mais ce dernier, qui trinque toujours à la fin, n’a aucun moyen pour les faire valoir face aux méthodes commerciales déloyales. Consomme et tais-toi !