Le Nabab du Sahara mal en cour

Hassan Derham, un parcours avec fautes...

Rebondissement dans le fameux conflit commercial opposant le nabab du Sahara Hassan Derham et les héritiers de son associé le franco-algérien Pierrick Puech décédé entre-temps.

Le Cour d’appel d’Agadir a annulé, lundi 11 avril, le jugement condamnant en première instance et en appel les héritiers Puech à restituer  au plaignant la bagatelle de 110 millions de DH en guise de dommages-intérêts. Une condamnation qui sera invalidée en 2021 par la Cour de Cassation qui s’est appuyée, pour conclure à l’inutilité de ce litige, sur les termes d’un arrangement signé entre 2014 entre les deux associés où ils s’engageaient à renoncer à toutes les actions en justice, intentées l’un contre l’autre. Le dernier arrêt de la Cour d’appel fait suite donc à la demande par la haute juridiction du pays d’un nouvel examen du dossier. Le conflit en question avait empoisonné les relations entre les deux hommes qui se sont accusés de détournements de fonds en initiant chacun contre l’autre une série de procédures judiciaires. Tout allait dans le meilleur des mondes agricoles entre les deux partenaires qui se sont associés dans plusieurs entreprises agricoles coiffées par une holding du nom d’Agrodep. Les fruits et légumes étaient produits dans nombre de régions marocaines (Dakhla, Marrakech, Agadir, Boudnib) avant d’être exportés depuis le port d’Agadir vers le marché européen, principalement en France où Pierrick Puech avait ses entrées. Une affaire en or, complètement défiscalisée-, Sahara oblige (!)- plombée par un conflit entre associés qui avaient pourtant tout pour s’entendre.

Hassan Derham est novice dans le domaine agricole contrairement à son partenaire qui a pour lui d’être un vieux routier du secteur où il opérait depuis plus de 30 ans dans la région du Souss-Massa-Draa avec son partenaire de départ Mohamed Tazi  qui a décidé entre-temps de se retirer des affaires en vendant ses parts. C’est le partenariat Tazi-Puech qui a donné naissance à l’un des fleurons agricoles les plus en vue au Maroc. Au début, leur activité se limitait essentiellement à la banane et les roses mais celle-ci connaîtra une diversification à partir de 1988 avec la production de la tomate sous la marque Azura spécialement pour le marché français dans un premier temps avant d’être écoulée sur d’autres pays de l’UE. Très prisée, cette tomate est cultivée à partir de 2006 dans la région de Dakhla- connue jusqu’ici pour la beauté de son désert et la qualité de son poisson – après la rencontre entre Hassan Derham et Philippe Pierrick Puech. Une rencontre qui a ouvert à ce dernier les portes du Sahara où la culture maraîchère génère des profits substantiels pour ses promoteurs. Outre la tomate cerise ou en grappes produite sous le label Idyl et commercialisée aussi sous la marque « Etoile du Sud », le tandem Puech-Derham cultive aussi du melon en plein désert avant de cultiver mutuellement une haine tenace.

Gros sous

C’est le franco-algérien qui  dégaina le premier en accusant son associé d’abus de biens sociaux et de détournements de fonds estimés à une centaine de millions de DH, qu’il étaye par des documents sous forme de factures, ordres de virement, relevés bancaires. En sa qualité de président du conseil d’administration du groupe, Hassan Derham s’octroierait des sommes faramineuses en signant à tour de bras chèques et transferts. Une plainte est déposée en novembre 2013 auprès de la police judiciaire d’Agadir. Riposte immédiate de Hassan Derham, via ses avocats, par une autre plainte à l’encontre de son accusateur auprès du tribunal de commerce de la même ville pour faire annuler une assemblée générale jugée illégale convoquée par Pierrick Puech. Dans cette histoire de gros sous, les deux protagonistes sont prêts à tout pour arriver à leurs fins. En jeu, un chiffre d’affaires à l’export colossal et entre 6.000 et 7.000 emplois. Donnant l’impression de travailler en complémentarité et dans une entente parfaite, rien n’indiquait que les deux hommes allaient en arriver à cette situation de rupture et d’extrême animosité. Mais qu’est-ce qui a pu perturber cette entente au point que les deux partenaires décident de s’étriper par avocats interposés ? A l’origine du conflit, il y a, paraît-il, l’immixtion de Hassan Derham dans les affaires de gestion d’Agrodep dont il est le président tandis que la direction générale et la gestion qui va avec sont dévolues à Pierrick Puech. C’est cette ingérence, illégale aux yeux de la loi qui régit la SA, que l’associé français n’a pas acceptée et qui a fini par installer le ver dans le fruit.

Plus grave encore, Pierrick Puech accusait son associé de pomper l’argent de la société quand bon lui semble et de mettre en péril son équilibre financier. Les pièces justificatives de ces abus ont été soumises à la justice. Quant à Hassan Derham, connu pour avoir un rapport très particulier à l’argent, il accusait son partenaire de vider le groupe – visiblement très endetté auprès des banques – de sa substance en transférant illégalement à l’étranger la bagatelle de 400 millions de DH. Qui croire ? La justice tranchera dans un premier temps en faveur du notable sahraoui qui se définit comme un opérateur économique indépendant par rapport aux autres associés Derhem avec lesquels il n’entretient aucune activité commerciale. Ces derniers sont regroupés sous la bannière de Derhem Holding qui a créé une joint-venture avec l’espagnol Cepsa ayant  donné naissance en 2019 à des stations d’essence nouvelle génération du nom de Atlas Nord Hydrocarbure (ANH). Mais le Derham imbu de sa personne qui roulait des mécaniques est fini. De moins en moins apprécié à cause de sa rapacité en affaires, il a fini par perdre son prestige d’antan. Pour ceux qui connaissent les dessous des plats d’Agrodep, toute cette sombre histoire, montée de toutes pièces par l’ex-député de Laâyoune, qui a par ailleurs la réputation d’être un mauvais payeur chronique, n’avait qu’un seul objectif : se débarrasser de son associé devenu trop gourmand à son goût…

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