L’adoption d’une déclaration pour la convention collective dans l’offshoring au Maroc annonce une nouvelle ère pour un secteur qui jusqu’ici a bâti la prospérité patronale sur un cadre de travail moins contraignant et des salaires de misère…
Mini révolution dans le secteur de l’offshoring au Maroc. Le royaume vient de se doter d’un accord pour la mise en place d’une convention collective. Réclamée depuis plusieurs années par l’Union marocaine du travail (UMT), syndicat représentatif du secteur via sa fédération, cette déclaration a été signée vendredi 9 juillet à Agadir par les trois partenaires de la filière : La Fédération marocaine des technologies de l’information et de l’offshoring, la Fédération nationale des centres d’appel et des métiers de l’offshoring (FNCAMO), affiliée à l’UMT et le ministère du Travail et de l’Insertion professionnelle. Représentés respectivement par Amine Zarrouk, Ayoub Saoud et Samira Admi, les parties signataires se sont engagées, par la déclaration d’Agadir, à ouvrir des négociations en vue de parvenir à la mise en place des règles qui ont longtemps fait défaut au secteur de l’offshoring national. A savoir un cadre légal adapté, qui protège les droits des téléopérateurs : contrat de travail, congés payés, conditions professionnelles, niveau de la rémunération, primes, et avancement…Bref, il s’agit de doter les employés des différents métiers de l’offshoring d’un statut qui tient compte de la pénibilité de leur profession en cessant de les considérer comme des forçats du combiné taillables et corvéables à merci. De nombreuses enquêtes au Maroc et ailleurs ont mis en lumière des pratiques dignes de l’esclavagisme du début du 20ème siècle (stress permanent causé par des objectifs impossibles à atteindre, pauses chronométrées à la seconde près, rémunérations dérisoires…).
Une prise de conscience quant à la nécessité de changer de méthodes de management semble s’être imposée aussi bien chez les employeurs que le ministère du Travail. « La valorisation du capital humain de l’offshoring passe par l’amélioration des conditions de travail des salariés de ce secteur ( …) et la déclaration d’Agadir constitue un grand pas pour l’atteinte des objectifs d’amélioration des conditions collectives du travail, en respect du droit conventionnel, à travers la conclusion de conventions à cet effet », a reconnu Samira Admi, la directrice du Travail au ministère de l’Emploi. Même son de cloche du côté du président de l’Apebi Amine Zarrouk. « Au-delà de la question de la réputation pour attirer plus de donneurs d’ordre, cette déclaration permettra d’accompagner l’évolution et les mutations des différents métiers en positionnant le Maroc sur une prestation haut de gamme, à forte valeur ajoutée. Cette montée en gamme ne peut pas se réaliser sans investir dans le capital humain qui en est la pierre angulaire ». La valorisation du capital humain ne faisait pas partie du lexique des opérateurs du secteur qui mettaient surtout en avant le nombre d’emplois crées sans trop soucier des droits légitimes du personnel en termes de motivation et d’épanouissement.
Précarité
Cependant, cette fibre sociale ne semble pas être partagée par l’ensemble des patrons du secteur à commencer par les membres de la Fédération marocaine de l’externalisation des services (FMES, ex-AMRC) dont le président Youssef Chraïbi voit d’un mauvais œil cet engagement tripartite en faveur de la mise en place d’une convention collective pour le secteur de l’offshoring. N’avait-il pas déclaré récemment que ce secteur n’était pas encore mûr pour une telle avancée ? Un propos qui traduit une certaine mentalité patronale qui considère toute amélioration des conditions de travail comme un facteur pénalisant pour la compétitivité de son business. C’est pour sauvegarder cet esprit de moins disant, qui permet aux patrons de gagner plus aux dépens des droits de leurs employés, que le ministre du Commerce de l’Industrie, de l’investissement et de l’Économie numérique, Moulahom Hafid, qui possède des intérêts dans l’offshoring, via son enseigne Majorel, avait fait part le 4 novembre 2020 devant les députés d’une drôle de volonté. Celle de créer des « centres de formations pour freelancers » destinés aux salariés de l’offshoring, touchés par la crise sanitaire. Cette proposition présente aux yeux de Moulahom Hafid l’avantage de créer une offre de l’ubérisation dans l’offshoring, inspiré du schéma Uber ou des plates-formes de livraison comme Glovo ou Deliveroo où les auto-entrepreneurs, qui triment pour un salaire de misère, n’ont ni contrat de travail, ni sécurité sociale, ni retraite…La précarité totale. Le projet de création d’une convention collective dans l’offshoring au Maroc n’est donc pas du goût des partisans du maintien du statuquo. Un tel chantier, qui fait bouger les lignes dans un esprit win-win, vient bousculer leur business-model fondé sur une législation de travail moins contraignante afin de maintenir au plus bas le coût du travail et attirer, soi-disant, les donneurs d’ordre européens. Or, selon la président du (FNCAMO), les donneurs d’ordre cherchent avant tout des contextes professionnels susceptibles stables de garantir la paix sociale qui passe évidemment par un respect des droits des employés et une valorisation de leurs efforts. Allô, c’est la nouvelle ère ?