Limité jusque-là à deux compagnies, Royal Air Maroc et Air Arabia, le marché des vols intérieurs s’enrichira à partir de l’été 2024 d’un nouveau transporteur : Ryanair. Faut-il s’en réjouir?
L’opérateur irlandais low cost avait demandé il y a quelques mois et obtenu récemment l’autorisation gouvernementale d’opérer au Maroc des vols domestiques . Le programme de la compagnie prévoit le lancement de 24 nouvelles lignes internationales, l’établissement de 2 avions basés dédiés à la ville de Tanger et le lancement de lignes domestiques transversales qui relieront 9 villes marocaines, jusque-là peu desservies comme Ouarzazate, Er-Rachidia, Essaouira ou Oujda…Ce qui fait du Maroc le premier pays non européen dans lequel Ryanair est autorisé à opérer un réseau intérieur. .
Satisfait par sa nouvelle conquête inespérée, le PDG de Ryanair DAC, Eddie Wilson, a fait cette déclaration : « Ce programme estival record de 2024 verra Ryanair opérer plus de 175 lignes, dont le lancement de 35 nouvelle lignes, y compris 11 lignes domestiques à bas prix, qui stimuleront le tourisme et la connectivité au sein du Royaume avec des tarifs à partir de seulement 29.99€ / 329 MAD aller-retour ». Au-delà de la modicité du prix, faut-il s’en réjouir ou s’en inquiéter ? En fait, cet agrément, obtenu sans grande difficulté par Rynair, ne fait pas l’unanimité…
« Nous nous félicitons de cette grande nouvelle pour le paysage aérien marocain qui connaît un essor exceptionnel, et qui va contribuer à concrétiser la feuille de route du Tourisme qui ambitionne, à l’horizon 2026, d’attirer 17,5 millions de touristes. Une attention particulière est accordée au tourisme interne, qui bénéficiera d’une forte impulsion grâce à cette nouvelle dynamique », s’est réjouie la ministre du Tourisme Fatim-Zahra Ammor. Les plus optimistes dont elle fait partie considèrent que Ryanair est la bienvenue dès lors que sa présence sur le marché intérieur est de nature à contribuer au désenclavement de certaines régions tout en permettant aux touristes étrangers d’allonger la durée de leur séjour dans le pays. Et last but not least, les vols domestiques de Ryanair vont impulser un nouveau souffle au tourisme interne par la densification du transport aérien à l’intérieur des frontières nationales.
Cette vision correspond en quelque sorte au verre à moitié plein.
Mais les plus prudents pour ne pas les plus pessimistes regardent le verre à moitié vide. Se recrutant parmi les professionnels chevronnés du tourisme, ils ne voient pas d’un bon œil l’arrivée de Ryanair sur le créneau des vols domestiques qu’ils jugent pénalisante pour le pavillon national, principalement la RAM. « La compagnie nationale et même Air Arabia se verront livrer une concurrence déloyale du fait qu’elles ne se battent pas avec les mêmes armes qu’une compagnie low cost », explique un vieux routier du tourisme national qui rappelle que Ryanair bénéfice dans le cadre du co-marketing ( subvention de sièges) d’une subvention publique substantielle en échange du transport de passagers. Ce système de subsides est jugé contraire aux règles de concurrence par l’Union européenne. Qu’en pense le Conseil de la concurrence marocain ?
« L’agrément donné par le gouvernement à Ryanair d’opérer dans le ciel marocain sert-il la nouvelle vision stratégique de la RAM qui prévoit de quadrupler son parc d’avions à l’horizon 2037 ? », s’interroge sur un ton dubitatif un expert aérien. Il ajoute : « Au-delà du manque à gagner pour la RAM que représente l’entrée en lice de Ryanair sur les lignes nationales, ce partenariat pose un problème de souveraineté nationale. » C’est comme si le gouvernement donnait son feu vert pour que la SNCF exploite au Maroc des lignes ferroviaires pour relier des villes non desservies par le rail. Il y a fort à craindre que le transport aérien national ne subisse le même sort peu enviable qui a frappé le secteur maritime du fait d’une libéralisation sauvage qui lui a fait perdre toute sa flotte.