Les annonces se multiplient, relayées par une presse plus ou moins bien intentionnée sur l’imminence d’un supposé rétablissement des liaisons aériennes entre le Maroc et Israël. Ces informations sont distillées par des milieux israélo-américains qui poussent vers la banalisation de la normalisation du monde arabe avec l’État hébreu dans le sillage de ses deux derniers trophées de chasse ajoutée à sa collection qui compte historiquement l’Égypte et la Jordanie : l’annonce en plein mois d’août, sous l’égide de Donald Trump, d’un accord de paix entre Israël et les Émirats arabes unis.Une annonce suivie d’une autre tout aussi surprenante: la conclusion par ce pays de 30 km2 qu’est Bahreïn d’un accord similaire avec Israël.
Dénoncés par les Palestiniens qui considèrent, à juste titre, comme une trahison de leur cause, les « accords d’Abraham » signés à Washington mardi 15 septembre en présence de Donald Trump et de Benyamin Netanyahou ainsi que des chefs de la diplomatie des Emirats et de Bahreïn, brisent le consensus arabe autour de ce dossier tout en divisant davantage un monde arabe déjà profondément désuni et affaibli. A qui le tour ? Briser le blocus arabe contre Israël c’est aussi l’encourager à resserrer encore plus l’étau de l’occupation sur les Palestiniens qui continuent à souffrir au-delà du supportable des crimes sionistes. Avec ces deux accords, les deux nouveaux alliés arabes de Netanyahou cautionnent donc la colonisation de la Palestine, l’annexion de Jérusalem-est et la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, telle qu’elle a été décrétée par Donald Trump le 6 décembre 2017. En agissant ainsi, les deux capitales arabes ont pris exactement le contrepied du plan de la ligue arabe élaboré en 2002. Un plan fondé sur une idée juste et de bon sens : normalisation des pays arabes de leurs relations avec l’État hébreu contre reconnaissance par Tel Aviv des résolutions des Nations unies devant aboutir à la création d’un État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale.
En piétinant cette conditionnalité de tous les dangers en faisant cavalier seul, les pays des Al Nahyane et des Al Khalifa ont enterré la proposition arabe que le Maroc qui y tient considère comme la seule voie pour parvenir à une paix globale dans un Proche-Orient de plus en plus complexe et compliqué. Cela dit, il ne faut pas compter sur le Royaume, connu pour sa militance historique en faveur de la cause palestinienne, pour emboîter le pas à Abu Dhabi et à Manama. « Aucun chef d’État arabe n’honorerait ses obligations s’il concluait une paix séparée avec Israël en oubliant le sort des réfugiés palestiniens ». Cette déclaration émanait de feu Hassan II lors d’une conférence de presse organisée en marge du sommet arabe tenu en décembre 1969 à Rabat…
Le Maroc n’a aucun intérêt à signer un accord de paix avec l’État hébreu, à l’inverse des Émirats arabes unis ou Bahreïn qui partagent avec Tel Aviv une préoccupation majeure, celle de contrecarrer le meilleur «ennemi» de la région qu’est l’Iran chiite.
Celui qui administra au monde entier la preuve de sa perspicacité et sa sagesse sur le conflit israélo-palestinien et bien d’autres dossiers en oeuvrant constamment et de manière sincère à la recherche d’une solution juste et durable ne s’est jamais écarté de cette ligne qui lui valut le respect de la communauté internationale. Cette ligne politique claire et assumée, le Roi Mohammed VI, qui a hérité de son père le statut de commandeur des croyants et le titre de président de Al Comité Al Qods, l’a poursuivie malgré les pressions devenues plus fortes au cours de ces dernières années pour opérer un rapprochement avec l’État hébreu.
Initiateur du fameux «deal du siècle», largement favorable sur le terrain aux Israéliens, élaboré par Jared Kushner (le mari d’Ivanka Trump), le président américain Donald Trump a fini par comprendre la relation particulière qu’entretient le Maroc avec la communauté juive qui représente un élément constitutif de son identité et que feu Mohammed V a protégée en s’opposant aux lois anti-juives décrétées par le régime de Vichy dans les années 40. Et puis, le Maroc n’a aucun intérêt à signer un accord de paix avec l’État hébreu, à l’inverse des Émirats arabes unis ou Bahreïn qui partagent avec Tel Aviv une préoccupation majeure, celle de contrecarrer le meilleur «ennemi» de la région qu’est l’Iran chiite que l’administration américaine et israélienne cherchent ainsi à contenir dans le cadre de leur stratégie proche-orientale. Une stratégie qui comprend aussi l’annexion de certaines parties de la vallée du Jourdain en Cisjordanie occupée, l’abolition du droit au retour des Palestiniens et la fin du droit légitime des Palestiniens de disposer de leur propre État.
Dans cette nouvelle configuration, le méchant tueur d’innocents, le colonisateur spoliateur de la terre des autres n’est plus Israël mais la république des Mollahs qu’il s’agit désormais d’isoler tout en consacrant au passage l’occupation de la Palestine par Israël. Si le Maroc a fini par convaincre l’administration Trump de la justesse de sa position de non normalisation avec son protégé, il subit en même temps de sa part une pression forte pour dire oui à l’instauration d’une liaison aérienne régulière entre Rabat et Tel Aviv. Pour Trump qui cherche à faire plaisir à son électorat évangélique sur lequel il compte énormément pour sa réélection en novembre prochain, c’est le moins que le Royaume, qu’il considère comme un grand allié, puisse faire dans la conjoncture actuelle.
L’ouverture de l’espace aérien marocain à la compagnie israélienne El Al serait imminente selon des médias israéliens. Ce qui n’a pas été démenti officiellement par les autorités marocaines que le forcing trumpien doit mettre dans un immense embarras. Pour Netanyahou, ce serait une grande victoire politique et diplomatique non seulement pour son parti mais pour tout Israël où un puissant lobby pro-marocain n’a eu de cesse pendant plusieurs décennies de militer activement pour cette ouverture vers le pays où sont enterrés les saints juifs les plus célèbres.