Le 1er décembre 2022 est passé presque inaperçu, éclipsé par l’ivresse de la coupe du monde au Qatar et les victoires des Lions de l’Atlas. Et pourtant, c’est un jour historique, à marquer d’une pierre blanche qui a vu quelque 11 millions de ramedistes basculer vers le régime de l’AMO et 650.000 retraités de la CNSS percevoir le rappel au titre de la revalorisation de leur pension. Ce même jour aussi, se tenait un Conseil de gouvernement marqué par l’adoption de cinq projets de loi qui complètent la loi-cadre sur la protection sociale. En plus d’un projet de loi sur les garanties fondamentales octroyées aux ressources humaines la de santé, il y a ceux relatifs à la création de la Haute autorité de la santé, les Groupes territoriaux de santé, l’agence marocaine du médicament et des produits de santé et l’agence marocaine de sang et ses dérivés. Le Premier ministre Aziz Akhannouch a tenu son engagement de mettre dans le circuit législatif le reste des textes de la loi-cadre sur la protection sociale avant la fin de l’année, permettant ainsi le déploiement de la réforme en un temps très court. C’est désormais chose faite. Les pierres de l’édifice sont désormais en place, l’arsenal est au complet pour un seul et unique objectif : améliorer la qualité des soins pour tous dans les établissements de santé surtout du public. Une véritable gageure compte tenu des maux qui minent l’hôpital et que le Ramed avec son afflux croissant de patients et ses moyens limités a amplifié en mettant son personnel soignant démotivé et sous-payé sous pression.
Il y a assurément dans les faits et la réalité du terrain des habitudes à changer, des réflexes à dépasser et une culture du rendement et de la performance à installer pour que les nouvelles agences ne soient pas juste des couches administratives supplémentaires.
Le gouvernement Akhannouch en est conscient, qui a décidé de travailler sur l’attractivité de la santé publique par la mise à niveau de ses infrastructures dont la gestion sera confiée aux groupements territoriaux de santé (GTS) qui se distinguent par leur autonomie. Mais aussi en actionnant les leviers de la motivation et de l’implication des soignants qui cherchent leurs compléments de revenu dans les cliniques ou cèdent carrément aux sirènes de l’expatriation. Dans cette vision rénovée de la santé, chaque région aura son CHU, sa faculté de médecine et ses centres de formation des infirmiers et des techniciens. Sur le papier, la refondation du système de santé est à la fois séduisante et ambitieuse. Elle est porteuse d’un grand espoir en termes de qualité de soins pour toutes les couches de la société et sur l’ensemble du territoire. Mais les dysfonctionnements à régler et les déficits à résorber, mille fois diagnostiqués, ne sont pas négligeables. Déserts médicaux, urgences en piteux état, délais de rendez-vous très allongés et personnel soignant en sous-nombre et démotivé.
Il y a assurément dans les faits et la réalité du terrain des habitudes à changer, des réflexes à dépasser et une culture du rendement et de la performance à installer pour que les nouvelles agences ne soient pas juste des couches administratives supplémentaires. Gare en effet au millefeuille territorial dont le Maroc est un grand champion ! Le changement ne se décrète pas ; c’est quelque chose qui se construit avec la mobilisation de tous les acteurs de la santé pour que l’hôpital public soit réhabilité et devienne la locomotive de la protection sociale généralisée voulue par le souverain. Dans cette vision stratégique, il y a sans doute des partenariats à nouer entre l’hôpital public et la médecine libérale pour atteindre l’efficience hospitalière en termes de management et de performance qui fait tant défaut… Pilier important de l’État social que le gouvernement Akhannouch a mis au cœur de son action, la généralisation de la protection sociale commence à prendre forme. Reste à réussir le plus grand défi du pays : la réforme du système éducatif dont dépend le développement du pays et la réduction des disparités sociales.