La RAM plus stratégique que jamais

Imaginez un seul instant la position du Maroc dans le contexte de crise sanitaire actuelle s’il avait privatisé la RAM… Qui acheminerait les millions de doses de vaccin Sinopharm transportés depuis la Chine jusqu’à Casablanca ? Par ailleurs, les tarifs spéciaux défiant toute concurrence, pratiqués par la RAM sur haute instruction royale, dans le cadre de l’opération Marhaba 2021, auraient été simplement inimaginables, sauf à faire subventionner, sur les deniers publics à l’instar du transport maritime, les sièges des avions loués chez les autres…

Last but not least, le Royaume aurait-il été capable de faire prendre de l’altitude à ses valeurs de solidarité agissante et acheminer les différentes aides médicales à des pays africains amis aux prises avec l’épidémie et autres catastrophes naturelles ? Le gouvernement sans les ailes du Maroc  n’aurait  d’autre choix que de recourir  à la très coûteuse  solution de  l’affrètement  qui grèverait davantage  un budget de l’État déjà très malmené par la Covid et ses effets dévastateurs. Chapeau bas à la RAM, (mais aussi à ses dirigeants, son équipe et ses pilotes) dont les appareils sillonnent  la planète pour faire venir au bercail, à tarifs très réduits- qui ont fait râler de jalousie les ennemis intimes de Rabat,-  les Marocains du monde après s’être mobilisée sur  le front de la guerre contre le virus et permis au pays de  concrétiser  en toute indépendance sa diplomatie humanitaire sur le continent.

Qui dit indépendance dit souveraineté nationale. Il va sans dire que l’absence d’une flotte qu’elle soit aérienne ou maritime représente une menace réelle pour la souveraineté économique des États. Et c’est hélas le cas aujourd’hui du Maroc avec la disparition de son armement (voir le Canard Libéré n° 654 en pages 6 & 7) avec les conséquences que l’on sait : dépendance vis-à-vis des opérateurs étrangers aussi bien pour le transport des passagers que des marchandises dont les prix, contrecoups de la crise sanitaire, ont battu tous les records.  

La RAM aurait pu connaître le même triste sort si Driss Benhima, alors président de la RAM, ne s’était pas opposé avec son sens fort de l’État aux assauts   de Adil Douiri qui, du temps où il était ministre du Tourisme entre 2002 et 2007, militait ardemment pour la privatisation de la RAM, voire pour sa cession à Air France ! Pendant ce temps, son collègue Karim Ghellab, aux commandes du Transport et de l’Équipement, avait réussi à mettre en route une politique de libéralisation du secteur maritime qui s’est avérée désastreuse (lire article en P 8 et 9) pour les armateurs locaux.

La crise sanitaire éclaire d’un jour nouveau le caractère stratégique du pavillon national qu’il faudrait non seulement sauvegarder mais surtout développer. Objectif : En faire un fer de lance du rayonnement du Royaume à l’international mais aussi un outil au service de son développement économique et de sa compétitivité commerciale.

Or, la crise sanitaire éclaire d’un jour nouveau le caractère stratégique du pavillon national qu’il faudrait non seulement sauvegarder mais surtout développer. Objectif : En faire un fer de lance du rayonnement du Royaume à l’international mais aussi un outil au service de son développement économique et de sa compétitivité commerciale. Il serait en effet illusoire de prétendre conquérir de nouvelles parts de marché dans des conditions optimales sans des moyens logistiques à la hauteur des ambitions continentales du Maroc.  

La nécessité impérieuse de reconstruire le secteur maritime national sur de nouvelles bases va de pair avec l’importance de renforcer le rôle stratégique de la RAM. Fragilisée par la pandémie qui a fait fondre son chiffre d’affaires et obligé son management à se séparer d’une partie de son personnel et même à céder certains appareils, la RAM a besoin d’être renflouée pour prendre à nouveau de l’altitude et relancer son programme de développement. Deux pistes sont possibles : l’accélération de la signature du deuxième contrat programme avec l’État soumis en 2017 au gouvernement, et l’ouverture de moins de 50% du capital de l’entreprise à un partenaire étranger animée de la même vision stratégique que son futur associé. Ce chantier d’envergure  est d’autant plus urgent que  la RAM, qui plafonne à une cinquantaine d’appareils alors qu’elle a besoin de doubler  sa flotte pour pouvoir mieux déployer ses ailes dans son espace naturel et au-delà, se trouve confrontée depuis  la mise en œuvre de l’Open Sky en 2006 à une concurrence de plus en plus féroce de la part des compagnies étrangères notamment low cost.

Le renforcement de la capacité financière de la RAM doit aller au-delà d’un simple apport en argent frais pour s’inscrire dans une vision à long terme pour le développement du tourisme national qui, sinistré qu’il est par la pandémie, a besoin plus que jamais d’un véritable plan de soutien pour se reconstruire. Le modèle à cet égard porte un nom : Turkish Airlines. L’attractivité du pays d’Edogan doit beaucoup à sa compagnie nationale dont la flotte compte 300 avions actuellement contre 54 en 2007. Dans le Maroc post-covid, la RAM a tous les atouts pour naviguer dans un ciel dégagé. A condition que les responsables prennent de la hauteur.

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