Un amendement adopté en Commission des finances va permettre à son principal bénéficiaire de se sucrer plus au détriment de l’apiculture nationale et de sa survie. Scandale…
La rédaction
C’est un amendement très troublant qui a été introduit par la majorité en commission des finances quelques jours avant l’adoption du projet de loi de finances 2025 en plénière le vendredi 15 novembre : la réduction de 40% à 2,5% des droits de douane sur le miel d’importation. Seule condition pour bénéficier de cette belle douceur fiscale : le conditionnement du produit dans des boites de 20 kg !
La baisse est trop importante pour ne pas susciter des interrogations. Et celles-ci ont fusé illico de l’opposition, notamment du groupe PJD dont le chef, Abdallah Bouanou, piqué au vif, a vertement critiqué une mesure qui bénéficierait selon lui au plus grand importateur, dont il n’a pas révélé le nom, de ce produit très prisé. La sortie fracassante de l’élu islamiste a fortement resonné dans le camp gouvernemental où certains, outrés par cet amendement, se sont mobilisés pour circonscrire le feu…Ça s’agite, ça bourdonne…
Mais qui est ce seigneur du miel qui a pu s’offrir une telle délicatesse historique? le député RNI de Salé Abdelkarim Zemzami, pardi! Issu d’une célèbre famille d’apiculteurs dont la marque porte le nom, il est derrière cette mesure qui lui permettrait de se sucrer plus. Quelle ruche idée !
Sauf que ce qui dégage un parfum de passe-droit flagrant, glissé dans le PLF 2025 à l’insu du ministre du Budget Fouzi Lekjaa devenu furax après l’éclatement du scandale, n’avait même pas à être proposé et a fortiori de l’adopter… La majorité a justifié l’adoption de cette friandise aussi géante qu’un porte-container par la volonté de promouvoir, à l’image de ce qui a été fait dans le budget 2024 pour le thé importé, une industrie locale de conditionnement du miel en vrac créatrice d’emploi et de valeur. Voire… Cet argument ne tient pas la ruche, destiné à masquer grossièrement une vérité pourtant évidente : enrichir plus la fratrie Zemzami déjà immensément riches dont certains membres ont décroché des mandats électifs à l’issue des dernières élections sous la bannière du RNI (le transfuge du PPS Zouhair Zemzami président de la commune de Témara et son frère Abderrahim Zemzami qui s’est adjugé la chambre de l’artisanat de la région de Rabat-Salé-Kénitra).
Le député-apiculteur et ses soutiens, tout sucre tout miel, ont-ils un seul instant pensé aux conséquences désastreuses de leur décision sur les quelque 4000 apiculteurs que compte le pays? Visiblement, cela ne les dérange pas que leur ami fasse son miel de la disparition des petits producteurs du monde rural. « On voudrait les tuer qu’on ne s’y prendrait pas autrement », s’indigne un élu de la majorité qui a bon espoir que « cet amendement de la honte » soit supprimé en deuxième lecture du PLF à la Chambre des conseillers.
En attendant, la polémique enfle. Du côté du syndicat des apiculteurs professionnels du Maroc, où dominent la consternation et l’inquiétude, on tire la sonnette d’alarme sur les conséquences de cette quasi-exonération porteuse d’une mise à mort de la filière artisanale de production du miel déjà fragilisée par l’effondrement des ruches en 2021 et 2022 pour des raisons écologiques.
Ceux qui ont soutenu et laissé passer cette énormité au goût amer ont apporté de l’eau au moulin de ceux qui pensent que le gouvernement Akhannouch favorise les intérêts d’une camarilla d’importateurs agricoles au détriment des petits agriculteurs qui sont en train de crever la dalle…
Plus grave encore, Zemzami et ses amis ont péché par une méconnaissance totale du monde agricole et de son fonctionnement. Organiser ainsi par le jeu des allégements fiscaux indus l’inondation du marché national par du miel industriel à bas coût et à l’origine douteuse signifie la mise à mort des abeilles alors que ces insectes nobles sont connus pour être un rouage essentiel de la biodiversité. Et sans abeilles, reines de la pollinisation, point de récoltes! Et un Parlement sans Zemzami et ses semblables, qui ont montré de nouveau leur goût immodéré pour le conflit d’intérêt, ne s’en porterait que mieux!