L’istiqlalien Mohamed El Hafed est en délicatesse avec la justice sur des faits de mauvaise gestion et de dilapidation de fonds publics. Le manque porte sur plus de 50 millions de DH.
Laila Lamrani
Les procès pour malversations et dilapidation de fonds publics se poursuivent et se ressemblent. Le 9 décembre 2024, reprendra (la première audience s’est déroulée le 11 novembre) devant la chambre criminelle de premier degré de la Cour d’appel de Rabat, celui de l’ex-président du conseil municipal de Sidi Kacem pour la période (2015-2021).
Député du parti de l’Istiqlal de la circonscription de la ville et vice-président de la région Rabat-Salé-Kénitra, Mohamed El Hafed doit répondre en état de liberté d’accusations de dilapidation de deniers publics dont le volumineux dossier a été déposé devant le tribunal le 18 octobre dernier. Fait trop rare pour ne pas être signalé, c’est son successeur à la tête de la commune, le RNI Abdelilah Ouaissa, qui est à l’origine de la plainte qui a débouché sur la mise en cause judiciaire de son prédécesseur et l’ouverture de poursuites à son encontre. Les manœuvres engagées par celui-ci pour que lui succède un homme qui lui est dévoué afin de couvrir ses exploits en mauvaise gestion, se sont avérées vaines. Homme qui a fait l’essentiel de sa carrière dans l’administration dont il maîtrise les arcanes et les procédures, M. Ouaissa n’est pas homme à glisser dans les pantoufles de ses prédécesseurs, très soucieux de connaître ce dont il va hériter comme situation financière et cadavres dans le placard. A cet égard, M. Ouaissa peut se targuer d’être l’un des rares élus, sinon le seul, à exercer le droit d’inventaire et à faire auditer les comptes et les actes de gestion et les dépenses engagées par M. El Hafed. L’audit des comptes de la commune a révélé des vertes et des pas mûres. Des défaillances à la pelle et des cas de dilapidation d’un montant total de près de 55 millions de DH.
Après l’audition de Mohamed El Hafed, le procureur général du Roi près la cour d’appel de Rabat transfère le dossier au juge d’instruction. Ce dernier décide à la mi-janvier 2024 de placer l’inculpé sous contrôle judiciaire. Le 18 octobre est prise la décision du renvoi devant la cour d’appel. Dans le détail, M. El Hafed, qui opère à Casablanca dans le secteur des cuisines en kit, est accusé de négligence suspecte dans la perception des taxes communales estimées à des millions de DH. Il s’agit notamment des taxes appliquées aux terrains urbains non-bâtis, des redevances perçues sur les marchés communaux et des loyers de locaux commerciaux destinés à l’exercice d’un certain nombre d’activités professionnelles.
Gabegie
L’incurie de l’ancien président est également pointée du doigt dans la collecte des taxes sur l’occupation du domaine public communal et celles se rapportant au transport des voyageurs. M. El Hafed s’est vu aussi reprocher son traitement problématique du dossier de la gestion déléguée du service de nettoyage de la ville confiée à la société Ozone ( dont le patron Abdelaziz El Badraoui est en détention préventive depuis février 2024 à la prison de Oukacha en relation avec des irrégularités sur un marché similaire de la ville de Bouznika). A Sidi Kacem, Ozone a curieusement bénéficié d’un abandon de droits dûs à la commune alors que les termes du contrat prévoient la déduction de 2 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. Une somme destinée à financer le service permanent de contrôle durant 5 ans (de 2017 à 2021). Cette « indulgence » a privé la commune de ressources financières non négligeables estimées à environ 1 million de DH. En plus, une série d’infractions affectant divers aspects de l’activité de cette société, censées lui valoir des amendes pour non-respect de ses engagements, n’ont pas été, comme le prévoit le cahier des charges, sanctionnées par la commune. Ce qui représente un manque à gagner pour le budget communal de quelque 9 millions de DH. Plus grave encore, les investissements sur lesquels Ozone s’était engagée n’ont pas été tous réalisés pour cause de leur déploiement en dehors du champ de la gestion déléguée, privant ainsi la commune de ressources évaluées à environ 2,5 millions de DH.
Autre manquement relevé dans la gestion de l’ex-président de la commune, l’exploitation sans base légale du parc communal de Sidi Kacem, dont les redevances détournées ont été estimées à un peu moins de 6 millions de DH par le plaignant. Last but not least, sous le mandat de M. El Hafed, le conseil municipal s’est vu infliger des jugements pour un montant global de 7,16 millions de DH dans le cadre de dossiers judiciaires très mal gérés. Par ailleurs, la plainte de l’actuel président fait état de disproportion dans certaines charges de gestion ; notamment les dépenses engendrées par le recrutement d’une armée d’agents occasionnels, largement en surnombre par rapport aux besoins réels des services de la commune. Cette gabegie, qui englobe divers autres frais de gestion, a coïncidé particulièrement avec la campagne électorale de 2021. Clientélisme électoral, quand tu nous tiens !