Le chef du parti-locomotive du gouvernement a fort à faire pour maintenir jusqu’au bout la cohésion de la majorité gouvernementale qui commence déjà à se fissurer alors que près de 18 mois nous séparent des prochaines législatives…
Laila Lamrani
Il fallait agir vite pour contenir la crise qui risquait de faire voler en éclats la cohésion de façade de la majorité, que le chef du gouvernement Aziz Akhannouch a élevée au rang de sacro-saint. Pas question de laisser des dissensions dans les rangs des alliés prendre des proportions susceptibles de mettre à mal une action gouvernementale déjà malmenée par des crises tous azimuts, socialo-syndicale (grève générale, vie chère et montée du chômage) sanitaire (rougeole). C’est pour cela que le chef du RNI s’est empressé de réunir ses homologues de la majorité, le 29 janvier à Rabat pour célébrer à l’unisson les bons résultats enregistrés dans les secteurs de la santé et du tourisme, de l’éducation nationale et de la digitalisation de l’administration, la mise en œuvre des chantiers de la protection sociale, la maîtrise de l’inflation importée et l’approvisionnement du marché en perspective de Ramadan. Les coalisés, qui ont affiché de larges sourires de circonstance, se sont félicités également des investissements réalisés dans le domaine de l’eau et de l’énergie tout en rendant hommage à l’action des groupes parlementaires et au rôle de ceux de l’opposition pour leurs contributions. En gros, tout baigne dans la meilleure cohésion gouvernementale du monde. Voire…
Pilotée par M. Akhannouch, cette opération de communication ou de charme de la présidence de la majorité gouvernementale est intervenue dans la foulée des critiques formulées sur un plateau de télévision par Mohamed Aujjar envers la politique urbanistique nationale et les agences urbaines. Le PAM s’est senti visé, surtout que le département chargé de l’Habitat et de l’urbanisme est dirigé par sa coordinatrice nationale Fatima Ezzahra El Mansouri. Du côté du PAM, la sortie du dirigeant RNI a été considérée comme une attaque frontale contre le parti et sa cheftaine et un coup de canif dans la charte de la majorité qui interdit à ses composantes de se tirer dans les pattes.
« Celui qui nous provoque nous trouvera et mon message est qu’on doit rester des gens de bonne famille », a lancé Mohamed Mehdi Bensaid, le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication et membre de la direction collégiale du PAM, en guise de réponse du berger à la bergère au coup de dent de M. Aoujar. C’était lors d’un débat organisé jeudi 23 janvier à la Fondation Lafqui Tetouani, à Salé. Le jeune ministre a profité de cette tribune pour rappeler son partenaire son partenaire a l’obligation de solidarité gouvernementale tout en réitérant l’ambition de Fatima-Zahra Mansouri. Celle de voir son parti conduire « le gouvernement du mondial 2030 ». Et c’est cette aspiration, dévoilée environ 18 mois avant les prochaines législatives de septembre 2026, qui n’a pas été du goût de certains dirigeants du RNI, la jugeant prématurée et de nature à impacter négativement l’action gouvernementale. « L’exécutif a encore beaucoup de pain sur la planche et des défis à relever en matière de création d’emplois et de lutte contre la vie chère », explique un élu de la majorité.
« Se lancer dès maintenant dans une campagne préélectorale en affichant ses ambitions politiques est un acte inconvenant de la part des composantes de la majorité », renchérit un autre qui craint que ces pulsions pré-électoralistes dans le camp de la majorité ne relèguent au second plan les chantiers du gouvernement. Il est fort à craindre que cela ne soit déjà le cas puisque l’Istiqlal se projette à son tour déjà en 2026 puisqu’il n’a pas caché sa convoitise de la chefferie du gouvernement de la coupe du monde. Le secrétaire général du parti, Nizar Baraka, n’a-t-il pas critiqué les insuffisances de l’actuel exécutif dont il est pourtant membre en s’érigeant en défenseur de la classe moyenne et de la jeunesse ?Contrairement à ses partenaires, le RNI s’est gardé de dévoiler publiquement son jeu. Cette posture donne à son chef un surcroît de distinction par rapport à ses alliés, en lui permettant de cultiver l’image d’un Chef de gouvernement responsable, concentré sur son travail jusqu’au bout et qui ne cède pas aux sirènes de l’électoralisme et de ses petits calculs…