Abdellah Chankou
En décidant de procéder au démantèlement de l’USAID, Donald Trump prive les États-Unis de son outil d’influence dans le monde. Créée en 1961 dans la continuité du plan Marshall, l’USAid – US Agency for International Development – a toujours affiché comme objectif premier de fournir de l’aide aux pays en développement, directement ou par le financement d’ONG locales.
En réalité, l’USAid a été conçue initialement comme un outil politique du pouvoir américain pour contrecarrer l’influence soviétique en dehors de ses frontières. Maintenant que Trump a fait ami-ami avec le président russe Vladimir Poutine au détriment de son allié traditionnel européen dans le but inavoué d’empêcher un renforcement de l’axe Pékin-Moscou, la disparition de l’USAID pourrait être une aubaine pour la concurrence, principalement la Chine. Celle-ci ne manquera pas d’agir pour combler le vide laissé par la décision trumpienne dans les pays où Pékin n’a pas encore déployé son soft power irrésistible à coups de projets d’infrastructures et de prêts à des taux alléchants. Vu sous cet angle, le slogan «Make America Great Again», cher au milliardaire républicain, risque de se transformer en accélérateur de l’intronisation du géant asiatique comme première puissance mondiale.
Dans ce contexte d’exacerbation de la rivalité sino-américaine, la fermeture de l’USAID, dont un juge a bloqué le gel des fonds, ressemble à un acte de sabordage… Installé à son corps défendant par Donald Trump dans la position du cocu, marginalisée dans les négociations sur l’avenir de l’Ukraine, l’Europe pourrait fortement être tentée en guise de vengeance de se jeter dans les bras de la Chine en mettant fin à son alignement sur les États-Unis. Une perspective qui viendrait renforcer le nouvel ordre des Brics qui militent pour un monde multipolaire fondé sur un système mondial plus équilibré, alternatif à celui installé par les USA depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et dont Donald Trump est en train, via sa doctrine du retrait, de signer le certificat de décès.
Si Trump a un mérite c’est celui de secouer le cocotier des certitudes mondiales par son idéologie du rapport de force et sa diplomatie transactionnelle, imprégnée d’une vision du monde américano centrée. Tout à son obsession de prendre le contrepied de la politique de son prédécesseur dont il détruit l’héritage, l’actuel locataire de la Maison Blanche adopte des méthodes brutales porteuses d’un risque réel d’isolement des États-Unis dans le monde et de la remise en cause de leur leadership, voire de leur affaiblissement. Les contours d’un nouveau monde se précisent de plus en plus. Mais sans la suprématie américaine.