Ahmed Zoubaïr
Le scénario de la guerre de 10 jours Iran-Israël était parfait. L’intrigue palpitante, tenant en haleine le monde entier. Avec des missiles balistiques qui frappent Tel Aviv et Haïfa au cœur, donnant à voir sur les chaînes d’information en continu des images de destruction massive sans précédent dans la société israélienne. Tout était parfait, jusqu’à ce que le héros, Donald Trump l’intrépide, dans le costume du sauveur de son protégé sioniste, entre en lice dans la soirée du 21 juin pour faire détruire les trois sites nucléaires iraniens, par des bombardiers furtifs B2. Les seuls capables de larguer la GBU-57, une bombe conçue pour atteindre en profondeur les sites nucléaires les plus enfouis, comme celui de Fordo, réputé invulnérable aux frappes classiques de missiles. Mission accomplie. Retour au bercail après une mission de plus de 35 heures. L’équipage est sain et sauf. Pas la moindre égratignure. Comme dans les superproductions à l’image de Rambo qui célèbrent l’héroïsme américain. Happy end. Applaudissements. Alléluia !
Artisan de cette attaque rondement menée, « SuperTrump » se fend immédiatement d’un message d’autosatisfaction sur son réseau social Truth qu’il termine ainsi : « Maintenant c’est le temps de la paix. Merci pour votre attention». Une manière de dire aux téléspectateurs aux quatre coins du monde que le show est fini et qu’il faudrait passer à autre chose… L’attaque trumpienne des installations n’a rien d’une opération surprise puisque cela faisait quelques jours que le milliardaire républicain menaçait publiquement de les détruire. Ce qui a laissé largement le temps aux Iraniens d’évacuer l’uranium et de le planquer dans un lieu secret puisque qu’aucune fuite radioactive n’a été signalée par l’AIEA à la suite de leurs bombardements…Une mise en scène enrichie ou appauvrie ? Une étrange sensation, que la suite des événements transforme en sentiment de suspicion, envahit aussitôt le public qui reste sur sa faim. Bombardé par l’Oncle SAM malgré les mises en garde de la communauté internationale, l’Iran qui crie à la violation de sa souveraineté se lance aussitôt dans une rhétorique guerrière qui finit en pschitt: l’envoi lundi 23 juin de missiles sur la base américaine du Qatar après que les dirigeants iraniens ont informé le « Satan américain » de leur projet.
Ce qui lui a laissé le temps d’exfiltrer les GI’s. Une délicatesse précieuse qui a valu au régime iranien la reconnaissance publique de Trump exprimée, en fait une délation humiliante pour la république chiite, sur son réseau social : «Je veux remercier l’Iran de nous avoir avertis tôt, ce qui a rendu possible qu’aucune vie n’a été perdue et qu’aucune personne n’a été blessée. Peut-être que l’Iran peut maintenant passer à la paix et à l’harmonie dans la région, et c’est avec enthousiasme que je vais encourager Israël à faire de même », explique le chef de la Maison Blanche qui annonce dans la foulée que les deux belligérants ont accepté un «cessez-le-feu total » devant commencer le mardi 24 juin. Une cessation des hostilités confirmée officiellement par Téhéran et Tel Aviv même si l’armée iranienne a continué le lendemain à envoyer des missiles sur Israël. Une dernière salve en guise de baroud de déshonneur ? A y regarder de plus près, ce «happy end» arrange plus Israël que les missiles balistiques iraniens ont sérieusement fait vaciller sur ses bases en semant le chaos et la panique parmi la population, condamnée à se terrer dans des bunkers dans des conditions incommodantes. Une semaine encore de missiles iraniens sur Tel Aviv, Haïfa et Ashdod et la Palestine occupée se viderait de ses habitants dont une partie a déjà pris le chemin de l’exode lors des premiers jours de la guerre. C’est sous cet angle qu’il convient sans doute de décrypter les frappes américaines sur les sites nucléaires iraniens.
Ardeurs guerrières
Celles-ci ne sont que la conséquence de la pression de Benyamin Netanyahou sur son protecteur US pour qu’il vole rapidement à son secours en provoquant la fin d’une guerre où il était en train de s’embourber, de perdre son crédit, voire de risquer sa peau. Surtout que l’Iran s’est avéré plus coriace et redoutable que prévu avec ses missiles ravageurs que les systèmes de défense antiaériennes d’Israël, réputés infaillibles, n’arrivaient pas à neutraliser en totalité. La victoire « historique » que le chef terroriste prétend avoir obtenu sur l’Iran est évidemment à relativiser…
Le boucher de Tel Aviv aurait-il accepté de stopper son agression contre l’Iran si celui-ci n’avait pour tout armement que les petites roquettes du Hamas qui faisaient plus de peur que de mal… ? Regardez la barbarie avec laquelle ce sanguinaire traite depuis plus de deux ans les civils sans défense de Gaza, femmes, enfants et bébés, qu’il massacre et affame… Le fait que les Mollahs n’aient pas conditionné l’acceptation du cessez-le feu avec Israël à l’arrêt des tueries des gazaouis par l’armée sioniste a de quoi laisser songeur. La théocratie iranienne agissait-elle en défenseur sincère de la résistance palestinienne incarnée par le Hamas ou se servait-elle de cette cette cause comme carte de pression pour renforcer son influence dans la région?
L’entrée des États-Unis dans la guerre a eu comme effet de freiner les ardeurs guerrières du régime des Mollahs qui, sauf à vouloir suicider, auraient agi en représailles contre l’agresseur américain. Mais le régime des mollahs sait parfaitement qu’il ne pèse pas grand-chose devant la suprématie militaire de l’Oncle SAM. La realpolitik l’a finalement emporté surtout que Téhéran a compris qu’il ne pouvait pas compter sur le soutien actif et effectif de ses alliés traditionnels, la Chine et le Russie, qui se sont contentés de dénoncer l’agression sioniste et l’attaque américaine en criant à la violation du droit international. Une formule diplomatique qui rime avec impuissance ou indifférence. L’ONU, ce « machin » qui ne sert plus à rien, gagnerait à être fermée. L’embrasement tant redouté du Proche-Orient a été évité in extremis par un artifice trumpien. Mais la poudrière est toujours-là. Avec un Iran conforté plus qu’avant dans la conviction qu’il doit se doter de la bombe atomique pour dissuader son ennemi juré déjà nucléarisé d’attaquer de nouveau ses intérêts et ses installations ou d’agir pour renverser le régime en place. Le Proche-Orient ne vivra jamais en paix. A moins que les deux puissances de la région ne finissent par s’entendre et que le colonisateur israélien accepte enfin la solution à deux États…