Sans majorité claire pour aucun des trois principaux blocs (gauche, camp présidentiel et extrême droite ), le pays se retrouve dans une situation politique très incertaine porteuse d’une paralysie institutionnelle.
Alors que les sondages donnaient vainqueur le Rassemblement national ( RN) dont le chef de file se voyait déjà à l’Élysée à l’issue du second tour des législatives anticipées de dimanche 7 juillet, les électeurs français ont démenti tous les pronostics. Dans un sursaut inattendu qui a surpris le la classe politique hexagonale et les observateurs locaux et étrangers , ils ont fait recaler « le cancre le plus illustre de France », à l’examen final d’intégration de l’école du pouvoir. La note qu’il a obtenue à l’épreuve de rattrapage est éliminatoire, ne permettant pas, au grand soulagement de ses adversaires, à Jordan Bardella de devenir Premier ministre. Après avoir été en haut du podium politique à l’issue du premier tour de chauffe, le RN a été relégué dans le sprint final à la troisième place loin derrière le Nouveau Front Populaire (NFP) et le bloc de la majorité présidentielle. En l’espace d’une semaine, la médaille d’or a viré brutalement au bronze. La politique c’est magique !
Plus qu’une cruelle correction qu’il doit cependant moins à la sanction populaire (plus de 10 millions de voix si l’on comptabilise celles de ses alliés d’Éric Ciotti, soit plus que le NFP et Ensemble de la majorité au pouvoir) qu’au jeu des arrangements et désistements que favorise le mode de scrutin à deux tours orchestré par les rivaux de l’extrême droite pour lui barrer justement la route du pouvoir. Mais malgré ce « barrage républicain » qui a largement profité à la majorité macronienne ( 150 sièges), la France n’en est pas moins mal barrée à cause d’une carte électorale qui en fait a priori un pays ingouvernable. Aucun des trois pôles ( gauche, centre et extrême droite) n’ayant obtenu la majorité absolue lui permettant de gérer les affaires du pays en appliquant chacun son propre programme. D’où la nécessité de nouer des compromis qui dans le cas d’espèce sont aussi loin d’être évidents.
La gauche sans LFI
Si le NFP exige conformément à son statut de première force politique que le Premier ministre soit issu de ses rangs, il n’est pas certain qu’il puisse trouver des forces d’appoint volontaires en dehors de sa propre famille politique. Sauf si le président Macron accepte de dealer avec les composantes de la gauche en tant que bloc homogène. Ce qui est très peu probable, la macronie et la droite, ou ce qui en reste, privilégiant un autre scénario, celui de la formation d’une nouvelle majorité qui engloberait la gauche sans LFI de Jean-Luc Mélenchon, les élus macronistes et ceux de la droite. Mais cette configuration, alliance de la gauche modérée, du centre et de la droite, ne permet pas d’avoir une majorité absolue. Après avoir barré la route à l’extrême droite, bien des voix à droite et au centre se sont élevées au lendemain du second tour pour appeler clairement à la confiscation de la victoire de celui qui estime avoir «sauvé la république», mais dont le programme, à caractère social, qu’il veut appliquer dans toute son intégralité, effraie le pouvoir de l’argent et ses serviteurs traditionnels.
Ce qui est certain c’est que toutes les combinaisons partisanes envisageables ne débouchent que sur une situation parlementaire encore plus chaotique. C’est le triomphe de l’imbroglio politique qui dessine les traits d’un blocage institutionnel…
En décidant de dissoudre l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron voulait de la part du peuple français une clarification, un geste non dénué d’arrière-pensée politicienne: agiter la peur de l’extrême-droite pour que les Français lui signent un bail confortable qui lui permettrait de sortir du 49.3 dont il a usé et abusé dans la souffrance et la contestation au cours des deux dernières années et de gouverner à l’aise jusqu’à la fin de son mandat en 2027. Mais c’est une gauche forte et unie, une perspective qu’il n’a pas calculée, lui qui s’est toujours nourri des divisions de ses adversaires après les avoir provoqué en les provoquant, qu’il a fait émerger des urnes. Au terme de ce coup de poker désastreux, Jupiter subit une nouvelle claque-rification qui réduit encore plus sa marge de manœuvre et celle de son camp. D’ici à 2027, il a largement le temps de pédaler dans les macaroni.