Plusieurs mois après son interpellation sur le tarmac de l’aéroport de Hambourg, la justice allemande vient enfin d’approuver l’extradition vers le Maroc du député-maire du RNI Mohamed Boudrika, déchu de ses mandats électifs.
Laila Lamrani
Mohamed Boudrika voit enfin le bout du tunnel. Il sera extradé bientôt au Maroc ou il est réclamé par la justice. « La Cour supérieure de Hambourg (Hanseatisches Oberlandesgericht) a déclaré, le 26 février 2025, la légalité de la procédure d’extradition et ordonné la prolongation de la détention provisoire liée à cette procédure », lit-on dans la correspondance du tribunal régional supérieur de Hambourg. Mohamed Boudrika avait débarqué dans cette ville allemande le 16 juillet 2024, en provenance des Émirats arabes Unis, pour rencontrer l’entraîneur du Raja Josef Zinnbauer, afin de le convaincre de reconduire son contrat avec le club pour la saison prochaine. Mal lui en a pris. Placé immédiatement en garde-a-vue suite à un mandat d’arrêt international lancé à son encontre par les autorités marocaines, l’ex-dirigeant du Raja ne pouvait plus retourner à sa planque de Dubaï, le paradis des narcotrafiquants et autres escrocs en délicatesse avec la justice de leur pays. En dépit de l’existence d’accords d’extradition entre le Maroc et l’Union européenne et la communication des preuves de sa culpabilité en exécution d’une commission rogatoire, la procédure s’enlise en Allemagne dans des considérations juridiques complexes.
Le membre du Bureau exécutif du RNI, déchu de son mandat de maire et de député ainsi que de la chefferie du Raja, est impliqué dans une série d’affaires, en relation avec l’émission de chèques sans provision, la commercialisation de biens immobiliers fictifs sur plan, le détournement de fonds, la falsification de documents et l’usage de faux. Les Moubdii, Naciri, Bioui et autres Karimine n’ont pas la filouterie de Mohamed Boudrika. Celui-ci s’est inventé une urgence médicale pour quitter les frontières nationales et échapper à une interpellation imminente qui l’aurait conduit fissa à Oukacha (Lire le Canard, Boudrika en fuite) pour émission de chèques sans provisions et autres actes délictueux en relation avec son business immobilier. Mohamed Boudrika, alors président du Raja, qui prétend avoir subi une intervention chirurgicale du cœur en Angleterre, se trouvait au moment de son soi-disant malaise cardiaque à Dubaï où il a assisté à la demi-finale finale de la Challenge Cup ayant opposé le 27 janvier 2024 le Raja de Casablanca aux Zamaleks d’Égypte. M. Boudrika doit avoir le cœur léger pour s’offrir un vol de près de 8 heures entre les Émirats et le Royaume-Uni afin de se faire hospitaliser à Londres pour une opération urgente. Subitement revigoré par l’alerte du Canard sur sa fuite maquillée en hospitalisation à l’étranger, le Boudrika tenait tellement à rassurer les fans du club, sa famille, ses amis politiques et ses amis tout court, qu’il s’est empressé, juste après son opération qu’il dit avoir été couronnée de succès, de poster une vidéo sur les réseaux sociaux où émerge de profil juste sa tête couverte d’une charlotte médicale et son visage derrière un masque de protection.
Le patient, qui était couché sur le flanc droit, a sans doute un immense talent en matière d’émission de chèques sans provisions et de filouterie immobilière mais côté mise en scène il a certainement des choses à apprendre pour que ça ne fasse pas trop flagrant. L’enregistrement en question a été posté le 6 février, soit une semaine environ avant que le Raja n’annonce sur son site Web que son président a été « victime d’un malaise » nécessitant « une intervention chirurgicale dans une clinique privée à Londres ». Or, entre son apparition à Dubaï, son hospitalisation simulée et sa convalescence filmée trop rapide pour une opération lourde de ce type, il ne s’est pas passé plus de 10 jours…Eviqemment, quelque chose ne tourne pas rond dans cette histoire à dormir debout.
Tout à sa volonté de tromper son monde, l’ex-député-maire du RNI qui se croit plus malin que les autres a oublié qu’il est impossible de s’exprimer, même avec une voix légèrement fatiguée, au sortir d’une opération chirurgicale ordinaire a fortiori d’une chirurgie cardiaque. Et last but not least, il est impossible que le malade se couche sur le côté même durant quelques minutes. La position idoine c’est dormir sur le dos pour permettre au sternum de se consolider et de réduire les douleurs. Et puis, l’homme politique qu’ il est était supposé se soigner dans son pays et non à l’étranger. Par respect à la médecine nationale et au peuple marocain dont l’extraordinaire public rajaoui est représentatif. Mohamed Boudrika, qui a dû recevoir de partout les vœux d’un prompt rétablissement dans sa convalescence fictive, revêt toutes les caractéristiques d’un cerveau en fuite. Mais plus pour longtemps. Le séjour à Oukacha, où croupit l’ex-patron du WAC Said Naciri, commencera bientôt. Un derby inédit en perspective !