Jamil Manar
Notre enquête de la semaine dernière sur le pèlerinage géré par le ministère des Habous et des Affaires islamiques a provoqué des remous dans le secteur des voyages au Maroc. Si les responsables du département de tuelle se sont emmurés dans le silence au risque d’être interprété comme un signe de consentement ou de je m’enfoutisme, de nombreuses personnes ont réagi et interagi avec les revelations de l’enquête. Il s’agit essentiellement de pèlerins qui ont subi eux-mêmes bien des désagréments lors du voyage spirituel de cette année.
Les victimes se comptent aussi par centaines parmi ceux qui ont acheté leur package auprès des agences de voyages accréditées, où sévit aussi la tromperie sur les prestations en termes surtout d’hébergement et de transport.Une agence de voyages à Casablanca en particulier, qui compte dans son portefeuille des personnalités en vue et des gens fortunés, a été pointée du doigt par plusieurs pèlerins. Les forfaits haut de gamme proposés d’une durée de 12 jours sont vendus à 300.000 DH par personne en business class! Une fortune. Mais sur place, le produit est loin de correspondre au standing acheté.
En cause, l’hébergement dans les tentes à Mina et Arafat qui laissent beaucoup à désirer, tout comme l’organisation jugée chaotique. Ça sent l’escroquerie à plein nez! Preuve, certains pèlerins Marocains résidant en France ont payé beaucoup moins, autour de 9.000 euros par personne (soit près 92.000 DH) un package de qualité supérieure acquis directement sur la plateforme saoudienne Nusuk dédiée aux réservations des séjours Hajj ! Et puis, à 300.000 DH, on est en droit d’avoir un traitement VIP. Beaucoup de pèlerins interrogés rapportent au contraire des faits d’impolitesse, voire de mépris à leur égard. «J’ai vu de mes propres yeux des compatriotes se faire engueuler à la Mecque par le représentant de l’agence de voyages », témoigne un client qui n’en revenait toujours pas. De quoi être scandalisé et vociférer. Mais dans les lieux Saints, les victimes encaissent sans réagir, respectant en cela le verset coranique qui recommande au pèlerin d’éviter les disputes pendant le pèlerinage et de contenir sa colère, quoi qu’il arrive. Une recommandation divine que les organisateurs du pèlerinage, que ce soit le ministère des Habous ou les agences de voyages, utilisent à mauvais escient.

Débourser 300.000 DH pour vivre une expérience pèlerin négative est proprement scandaleux. Un autre pèlerin dénonce les pratiques douteuses de l’agence de voyages casablancaise consistant à exiger de leurs clients de payer leur séjour spirituel cash auprès d’un établissement bancaire public! Bonjour la transparence et la traçabilité des fonds! Des montagnes d’argent changent ainsi de main dans l’opacité totale. Est-ce normal? Il y a aussi ce drôle de document délivré par le ministère de Ahmed Taoufik que les agences de voyages font aussi signer et légaliser par leurs clients. Un document où ils s’engagent en substance à ne formuler aucune critique se rapportant au séjour et d’agir en bons pèlerins dociles qui supportent sans se plaindre tous les sévices possibles et imaginables.
Ce papier illégal représente la preuve que le pèlerinage est une affaire de gros sous et que les organisateurs indélicats de ce voyage traitent le pèlerin comme une vache à lait. Le problème est trop important pour rester tabou car il touche, au-delà de la qualité des prestations, l’image du pays et sa réputation parmi les délégations des autres pays arabes et musulmans. C’est pour cela qu’il faut une action de clarification officielle. Dans ce business très juteux, les acteurs ne sont pas du tout des saints!