Suspension des importations des viandes congelées : Les dessous d’un coup saignant…

Décréter la fin des importations, n’est-ce pas encourager de nouvelles flambées des prix, malvenues à la veille du ramadan? Il y a visiblement anguille sous roche…

Laila Lamrani

Le gouvernement a décidé, sans que cela ne soit accompagné d’une communication officielle, de ne pas reconduire l’autorisation d’importation des viandes rouges congelées (bovines, ovines et caprines) accordée en octobre 2024! L’explication officieuse fournie? L’opération, qui a bénéficié d’une suppression des taxes, a montré une série de failles techniques et logistiques, notamment, l’insuffisance des dispositifs de conservation de la marchandise que sont les abattoirs privés et les entrepôts frigorifiques. Sans compter que l’objectif escompté n’a pas été atteint : une réduction significative dans les prix qui sont toujours au sommet, 120 DH le kilogramme en moyenne la viande bovine dans les boucheries. Mais décréter la fin des importations, n’est-ce pas encourager de nouvelles flambées des prix, malvenues à la veille du ramadan? Il y a visiblement anguille sous roche… 

rabat

Un bœuf brésilien à Rabat après l’évasion d’un troupeau en avril 2023.

Selon un expert qui connaît les dessous du tajine, derrière la suspension des importations de la viande congelée se cache la pression exercée sur le gouvernement par le puissant lobby des animaux vivants. Ces derniers se sont plaints des importations à des prix modiques du cinquième quartier congelé qui accompagne la viande, à savoir les produits tripiers, qui ne font pas partie de la carcasse de la bête, comme le foie, le cœur, la tête et les pieds… Ces abats, qui constituent la pitance des catégories défavorisées, sont introduits au Maroc à des prix défiant toute concurrence. C’est le cas par exemple du foie de bœuf acheté aux États-Unis, selon une source bien informée, à 18 DH le kilo alors que le foie local coûte 160 DH dans les boucheries ! Savourez les écarts de prix ! Ils mettent en lumière une réalité très peu ragoûtante: le pauvre consommateur dans ce pays n’arrête pas de se faire tondre et saigner au-delà du supportable ! 

Cartel

Évidemment, le cartel des animaux vivants, qui verrouille le marché de la viande au Maroc et fait la pluie et le beau temps, est mécontent que la concurrence casse les prix avec des produits tripiers bon marché importés de l’étranger. Ce qui a contribué à réduire les marges très confortables qu’il se fait -avant l’autorisation de l’importation de la viande -sur les produits tripiers qu’ils vendent aux chevillards avec la carcasse de la bête. Le veau vivant de 500 kg qu’il a l’habitude de vendre par exemple à 40.000 DH, carcasse et cinquième quartier inclus, vaut moins en tenant compte des prix bas des tripes (la différence de prix entre le cinquième quartier local et etranger étant à défalquer du tarif global de l’animal, soit quelques milliers de DH de moins). Ce qui est visé dans cette histoire de gros  sous c’est moins la viande congelée que le cinquième quartier. En obtenant du gouvernement la suspension des importations des viandes congelées et surtout les produits tripiers les accompagnant, le lobby importateur des animaux vivants est parvenu, en montrant sa grande prédation au passage, à ses fins : maintenir élevés les prix de leur bétail sur le marché pour qu’il continue à s’engraisser aux dépens du pauvre consommateur qui doit payer la peau des fesses son morceau de viande ou sa ration de tripes. Le fait que les mesures incitatives n’aient pas contribué à faire baisser les prix des viandes ovines et bovines sonne comme un échec cinglant pour le gouvernement. Lequel n’agit pas curieusement pour contrôler les marges des importateurs des viandes congelées et des animaux vivants. D’où le maintien des prix à la hausse. ! La sécheresse, dégainée à tout bout de champ pour justifier la vie chère, a bon dos. Les dysfonctionnements sont ailleurs. Bon appétit, messieurs ! w

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