Ça y’est, le leader du PJD radote et dérape, s’égare et déraille. Pathétique Benkirane ! Il est passé subitement du registre de la bouffonnerie qui lui a valu une certaine popularité auprès de certaines franges de la population à celui de l’offense et de la diffamation. Son prêchi-prêcha injurieux lors de sa sortie à l’occasion du 1er mai dans le cadre d’un meeting organisé par l’antenne syndicale du parti, l’UNTM, a dû lui faire perdre son peu de crédit ou ce qui en reste parmi le dernier carré de ses sympathisants… Usé et désabusé mais croyant toujours à sa bonne étoile politique, l’homme n’attire plus les foules comme lors de ses années de pouvoir dont il est d’ailleurs le premier à s’étonner en faisant remarquer à haute voix alors qu’il s’apprêtait à pérorer devant une poignée de militants venus écouter ses diatribes désobligeantes. Diffamation à l’égard des Marocains, qualifiant de «microbes» et de « Hmir » ceux d’entre eux qui plaident sur les réseaux sociaux pour les intérêts de « Taza » la Marocaine avant ceux de « Gaza» la Palestinienne. Un propos injurieux provoquant la colère des internautes qui ont dénoncé une récupération politique outrancière de la cause palestinienne. Nul besoin de se répandre en invectives contre ses concitoyens pour exprimer un point de vue différent comme il ne suffit pas de porter un keffieh palestinien autour du cou pour s’autoproclamer défenseur du peuple palestinien face à la barbarie sioniste.
L’insulte est l’arme des faibles et des incultes, disait Pierre Nerval. Les syndicats n’ont pas échappé non plus à sa rhétorique calomnieuse puisqu’il les a traités de corrompus qui s’enrichissent aux dépens des travailleurs en marchandant la paix sociale. Une grave accusation qui risque, sauf si elle est étayée de preuves irréfutables, de lui valoir une condamnation judiciaire au cas où les mis en cause décideraient de saisir les tribunaux. Propos indignes de la part d’un ancien chef du gouvernement supposé faire preuve de bienséance et de respect à l’égard de ses compatriotes des acteurs du champ syndical et politique.
Nul besoin de se répandre en invectives contre ses concitoyens pour exprimer un point de vue différent comme il ne suffit pas de porter un keffieh palestinien autour du cou pour s’autoproclamer défenseur du peuple palestinien face à la barbarie sioniste.
Là réside justement le drame de Benkirane : A l’inverse de ses prédécesseurs et de son successeur du même parti que lui qui se sont imposés un droit de discrétion, il a refusé de se retirer alors qu’il bénéficie depuis 2019 d’une pension de retraite exceptionnelle de 70.000 DH par mois. Or, son désir de faire parler de lui en palabrant sous les projecteurs lui a fait opérer un retour lors d’un congrès extraordinaire à Bouznika, samedi 30 octobre 2021 à la chefferie du PJD, organisé au lendemain de la débâcle électorale du parti qui l’a renvoyé sur les bancs de l’opposition. Au lieu de déclarer la succession ouverte et passer la main, il s’arrange pour se faire réélire fin avril 2025 pour un deuxième mandat à la tête d’une formation qu’il avait déjà dirigée entre 2008 et 2017. C’est le mandat de trop. Se croyant indispensable, il en rajoute dans la provocation au risque de laisser un mauvais souvenir dans la mémoire collective.
Tout se passe comme si Benkirane était le seul à pouvoir incarner un leadership fort et intemporel alors que le parti a besoin certainement de sang neuf, d’un autre profil pour rebondir et dépasser sa crise qui n’est pas que financière. Celle-ci est aussi et surtout idéologique, générationnelle… à dire vrai, Benkirane, victime de son hubris, poursuit de manière obsessionnelle un objectif illusoire : reconquérir le pouvoir qui lui a été injustement ravi, estime-t-il, par son pire adversaire, Aziz Akhannouch, auquel il n’a pas pardonné ce qu’il considère être un coup bas qui l’a empêché de faire un deuxième mandat à la primature auquel accèdera celui qu’il ne porte pas dans son cœur : Saad Eddine Al Othmani. Le drame du chef des islamistes légalisés est qu’il se prend trop au sérieux, convaincu qu’il était un bon chef du gouvernement alors qu’il a passé en son mandat tantôt à jouer les amuseurs publics tantôt à se plaindre des « Yamashita et Afarit » qu’il accusait « de l’empêcher de travailler » pour justifier son inaction et masquer son incompétence au pouvoir. Les Marocains ont coutume d’implorer Dieu de faire en sorte que « la fin de leur vie soit meilleure que son début ». Empêtré dans ses contradictions, aveuglé par son desir de vengeance politique, Abdelilah Benkirane doit bien méditer cette supplique qu’il n’est pas sans ignorer, lui, qui use et abuse du langage du bon musulman, pieux, droit et honnête et que son comportement en politique est loin d’incarner.
Par Abdellah Chankou